Après les concertos pour piano, l’œuvre symphonique de Pancho Vladigerov

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Pancho Vladigerov (1899-1978) : Œuvres orchestrales, volume 1. Symphonies n° 1 op. 33 et n° 2 pour cordes op. 44 « Mai » ; Elégie d’automne pour orchestre op. 15 ; Ouverture de concert op. 27 « Terre » ; Ouverture héroïque op. 45. Orchestre symphonique de la Radio nationale de Bulgarie, direction Alexander Vladigerov. 1970-1975. Livret en allemand et en anglais. 140.51.  CD Capriccio C8050.

Beethoven avec Frank Peter Zimmermann et Martin Helmchen à Monte-Carlo : la suite

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On a hâte d'écouter le deuxième récital de l'intégrale des sonates pour violon et piano de Beethoven par Frank Peter Zimmermann et Martin Helmchen. La scène de l'Auditorium Rainier III à Monte-Carlo est éclairée de rouge, couleur festive pour célébrer le 250e anniversaire de la naissance de Beethoven. Les projecteurs s'éteignent, on est plongé dans une pénombre. L’ambiance se fait sombre et glaciale. Serait-ce un hommage à ces milliers de concerts programmés dans le monde pour l'année Beethoven et annulés à cause de la pandémie ?

D'emblée, Frank Peter Zimmermann et Martin Helmchen brisent cette atmosphère polaire et nous transportent dans le monde radieux et lyrique de la Sonate n°6 en la majeur op.30 n°1. L'archet de Zimmermann tranche net l'obscurité, le clavier de Martin Helmchen caresse, chante et s'emporte tour à tour. Le feu couve, les passions brûlent, la Sonate n°7 op.30 n°2, au caractère tempétueux, est interprétée avec intensité, puissance et énergie. Un vrai feu d'artifice !

Double Chostakovitch avec violoncelle et alto

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Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Sonate pour violoncelle et piano, Op. 40, Sonate pour alto et piano, Op. 147, Prélude, Op. 9.  Duo Anouchka Hack (violoncelle) et Katharina Hack (piano), Gautier Capuçon (violoncelle)*2020.64’42.Textes de présentation en anglais et allemand. Genuin  GEN 20701. Veit Hertenstein (alto), Minze Kim (piano). 2020-ADD-62’03-Textes de présentation en allemand et anglais- Hänssler Classic HC 20011

Dalia Stasevska, baguette d’avenir 

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La cheffe d’orchestre Dalia Stasevska a fait l'événement cette année. Cheffe invitée du BBC Symphony Orchestra, elle a fait ses débuts au pupitre de la Last Night of the Proms devenant la seconde femme à (après Marin Alsop) à diriger cet évènement planétaire. Alors qu’elle vient de recevoir le prestigieux Royal Philharmonic Society Conductor Award, la musicienne répond à nos questions. 

Un célèbre proverbe de l'Antiquité dit que "la musique adoucit les manières". Mais à notre époque, la musique classique est parfois considérée comme un facteur de division : la musique classique semble trop élitiste, pas assez ouverte aux minorités ethniques, ou certaines partitions sont jugées avec notre regard contemporain et condamnées par notre sensibilité contemporaine. Que pensez-vous de tous ces débats sur la musique classique ? Êtes-vous préoccupée par l'universalité de la musique classique ? 

Je suis enthousiaste d'être témoin de ces avancées importantes vers plus d'égalité et de diversité qui ont eu lieu ces dernières années. Ces mesures ont beaucoup influencé notre façon de voir, de faire et de penser à toutes sortes de choses. Je pense que la clé en général est d'arrêter de penser en termes de nous contre eux. Cela s'applique également à la musique classique. Si quelqu'un pense que la musique classique est meilleure que les autres genres musicaux, c'est cette pensée qui donne la marque "élitiste". Je suis vraiment optimiste en ce qui concerne la musique classique, il y a une bonne énergie dans l'industrie, beaucoup de grands changements et de développement, la musique classique est plus visible que jamais grâce à la technologie, cela crée beaucoup d'espace pour la créativité. Mais nous devons aussi nous rappeler que des choses comme l'égalité et la diversité ne sont pas des choses à prendre pour acquises mais des questions à prendre en compte en permanence.

Cette année, vous avez dirigé la célèbre Last Night of the Proms, mais dans un contexte sanitaire strict et sans public, dans la grande salle de concert du Royal Albert Hall. Comment avez-vous vécu cet événement dans un Royal Albert Hall vide ?  

C'était certainement une expérience unique. C'était aussi la première fois que je dirigeais un concert sans public. Le plaisir d'être un artiste est d'avoir le public avec soi et ressentir ses réactions, l'excitation de sa présence, ainsi que toutes nos traditions de concert. Retirer l'un des éléments les plus importants -le public- est certainement une situation des plus bizarres. Mais en même temps, savoir que des millions de personnes regardaient et écoutaient à travers leurs écrans. C’est un concert qui signifie tant pour beaucoup de gens et c’est toujours très émouvant. Nous étions toujours ensemble grâce à la musique, et le fait de le savoir nous a aidés à nous concentrer sur le spectacle. 

« Comprendre la musique au-delà du digital » : entretien avec la guitariste Gaëlle Solal autour de son nouveau disque Tuhu

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Une critique de disque n’aurait pu rendre compte de la personnalité pétillante, sincère et chaleureuse de la guitariste Gaëlle Solal qui sort en ce moment son nouveau disque Tuhu (« petite flamme » dans la langue Tupi), construit autour d’Heitor Villa-Lobos. Un disque qui réunit diverses influences, inspirations, dédicaces et des hommages croisés dans un programme original et créatif. Les pistes s’enchaînent dans un flux si continu et si logique qu’on est surpris en découvrant le mélange d'œuvres de pas moins de huit compositeurs différents. 

Avec Gaëlle Solal, nous avons discuté des rodas de choro et de son voyage au Brésil, de sa recherche du « vrai » avec Tuhu, de son engagement en faveur des femmes guitaristes et, enfin, de son parcours qui brise les codes. 

Sur le voyage au Brésil qui a tout changé 

J’ai atterri au Brésil en 2009 sur un coup de cœur après avoir assisté au Festival Villa-Lobos organisé à Radio France. Au début, je ne savais pas que j’allais avoir des affinités avec cette musique. Mais une fois sur place, j’ai été secouée en découvrant que les musiciens brésiliens ne font pas une distinction aussi forte qu’en Europe entre musique classique et musique populaire. En effet, au Brésil tout est considéré comme musique. Je m’en suis surtout rendue compte dans les roda de choro. Dans ces groupes, sortes de jam sessions brésiliennes, les musiciens passaient « à la moulinette » des pièces de Bach, des pièces de Villa-Lobos et des pièces typiques du répertoire populaire. Cette idée qu’on puisse s’approprier toutes les musiques m’a particulièrement marquée lors de ce voyage. 

JoAnn Falletta, à propos de Florent Schmitt au disque

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Dans le cadre des 150 ans de sa naissance, la cheffe JoAnn Falletta fait paraître un album Naxos qui fait l’évènement. Au pupitre de son orchestre de Buffalo, avec lequel elle a enregistré tant de merveilleuses partitions oubliées, elle vivifie la musique de Florent Schmitt.

C'est le 2e album que vous consacrez entièrement aux partitions de F. Schmitt. Qu'est- ce qui motive à défendre ce compositeur ?

Je pense depuis longtemps que Florent Schmitt est une voix forte et originale, et que cette voix est un élément essentiel de l'histoire musicale française et de la musique post-romantique en général. Il est négligé à tort, et je crois que la puissance, la couleur, la sensualité et la complexité de sa musique en faisaient un grand compositeur du XXe siècle. On ne peut pas comprendre l'évolution de la musique française sans connaître son œuvre. Son amour de la musique allemande et russe crée également un monde sonore qui se démarque. Il est capable de mélanger le parfum frais et élégant de l'impressionnisme avec le drame et la passion du caractère germanique et russe.

Comment avez-vous découvert ce compositeur ? Il n'est pas le plus célèbre dans l'histoire de la musique ou même dans l'histoire de la musique française ?

Je dois cette découverte à mon ami Phillip Nones, un grand passionné de musique, et surtout de Florent Schmitt. Phillip est venu à l'improviste à Buffalo (qui est très loin de chez lui, dans le Maryland) car nous jouions souvent des répertoires moins connus et ça l'intriguait. Nous avons parlé ensemble et il m'a parlé de Schmitt. J'ai adoré la musique et j'ai proposé le projet à Klaus Heymann de Naxos, qui a accepté de collaborer avec nous sur un CD de Florent Schmitt 

Les quatre ailes de Marie Trautmann-Jaëll (II)

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Seconde partie du dossier Marie Jaëll par Anne-Marie Polome

Ses écrits

Marie Jaëll tient un premier Journal de 1871 à 1882, de la fin de la guerre à la mort de son époux, puis un second commencé lors de son premier séjour à Weimar, près de chez Liszt (1883-1884), et consigné dans le Cahier Vert offert par le musicien qu’elle associe ainsi à ses réflexions.  Son abondant courrier est conservé à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg.  De 1904 à sa mort, elle note, dans ses Cahiers de Travail, ses réflexions profondes sur l’approche esthétique du piano, la pédagogie musicale, ses recherches scientifiques, le tout agrémenté de remarques pertinentes.  Ces écrits confirment que, toute sa vie, Marie a énormément médité. On pourrait dire qu’elle a fait de l’introspection et sa foi en Dieu est inébranlable. 

En 1871, elle note : Je joue merveilleusement mais je n’y suis pour rien, pourtant ce sont là les véritables artistes. Leur science ne vient pas de l’homme mais de Dieu. Puis : J’ai été heureuse de voir que dans l’art, je cherche plus à progresser qu’à plaire. Et en 1883 : Oui, j’adore passionnément jouer du piano. C’est une des plus grandes joies de ma vie. C’est beau, c’est beau de sentir qu’on fait passer toute son âme à travers ces touches d’ivoire, c’est beau de l’entendre vibrer et de sentir qu’elle fait vibrer d’autres âmes.  

Cette recherche perpétuelle de l’amélioration et cette passion qu’elle veut transmettre généreusement vont l’amener à élaborer une nouvelle manière de toucher le clavier du piano et, par là, l’âme de l’auditeur.

Ralph Vaughan Williams (IV) : musique vocale et opéras

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Dernière partie du dossier Ralph Vaughan Williams par Harry Halbreich avec un gros plan sur sa musique vocale et ses opéras.

Musique vocale

Mais c'est la musique vocale qui occupe de loin l'espace le plus important dans le catalogue de Vaughan Williams, avec notamment plus de deux cents ans arrangements de chants populaires et autant de cantiques originaux pour le culte anglican, ce qui ne laisse pas d'étonner de la part d'un agnostique déclaré, mais s'explique par l'importance de son engagement dans la vie citoyenne. Aussi sa production a-t-elle été largement marquée par une tradition de la pratique chorale sans doute sans égale en Europe, et dont les prestigieuses Maîtrise de Cathédrales ne constituent que l'élément le plus célèbre. Il nous laisse ainsi une cinquantaine d'œuvres alliant solistes, chœur et orchestre, et déjà sa première partition de dimensions monumentales, la Sea Symphony, se situe à l'intersection de la Symphonie et de l'Oratorio. Il ne saurait être question ici de recenser ce corpus au sein duquel on trouve pas mal d'œuvres de circonstance, sacrées ou profanes, mais je me limiterai à une dizaine de pages maîtresses comptant au nombre de ses chefs-d'œuvre.

Dans le domaine religieux, il y a d'abord le cycle des Five Mystical Songs de 1911, sur des poèmes de George Herbert, dont le succès, dans le sillage de ceux de la Sea Symphony et de la Fantaisie sur un Thème de Tallis, étaya la jeune réputation du compositeur. Mais le bref Oratorio (une demi-heure) Sancta Civitas (1923-25), sur les paroles de l'Apocalypse de Saint-Jean est un des sommets absolus de son catalogue en son mysticisme visionnaire et son langage harmonique d'une rare audace. D'envergure plus restreinte, le Magnificat pour contralto, chœur de femmes, flûte solo et orchestre (1932), sur texte anglais et, le compositeur insiste, non destiné à l'usage liturgique, est une merveille de poésie dans un climat assez proche de ce Flos Campi que nous avons classé parmi les pages concertantes, mais qui pourrait tout aussi bien figurer ici. Hodie (This Day) est une grande Cantate de Noël d'une heure, d'un éclat et d'un élan jubilatoire étonnants de la part d'un compositeur largement octogénaire (1954). Parmi les pages profanes, la brève Cantate Toward  the Unknown Region (1907) annonce la Sea Symphony en faisant appel également aux vers visionnaires de Walt Whitman. De la part du jeune compositeur, son titre à lui seul ("Vers la région inconnue") avait valeur de manifeste. Tout à l'opposé se situent les truculents Five Tudor Portraits (1935) sur les poèmes pleins de verve picaresque de John Skelton, poète lauréat du Roi Henry VIII, dont les rythmes énergiques faits de vers très brefs et de savoureuses allitérations se prêtent particulièrement bien à la musique. Cette grande Cantate de trois quarts d'heure constitue un intermède détendu et coloré entre la dramatique Quatrième Symphonie et l'ardent et grave plaidoyer pour la paix du Dona Nobis Pacem de 1936, en pleine montée des périls. A Song of Thanksgiving (Un Chant d'actions de grâces) fut composé dès 1944 et enregistré par la BBC pour être diffusé le jour de la victoire sur le nazisme, exactement comme ç'avait été le cas pour l'In Terra Pax du Suisse Frank Martin. En marge de toutes ses œuvres, le joyau exquis de la Serenade to Music sur des paroles du Marchand de Venise de Shakespeare, pour seize voix solistes et orchestre (1938) n'a peut-être d'équivalent que la merveilleuse Ode à la musique d'Emmanuel Chabrier.

Milan l’espagnole : un récital de clavier et vihuela, en solo et même en duo

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Milano Spagnola. Matthias Werrecore (av1522-ap1574) ; Antonio de Cabezón (c1510-1566) ; Enríquez de Valderrábano (c1500-c1557) ; Luis de Milán (av1500-ap1561) ; Pietro Paolo Borrono (c1490-ap1563) ; Alonso Mudarra (c1510-1580) ; Francesco da Milano (1497-1543). Maurizio Croci, clavecin, orgue. Evangelina Mascardi, vihuela. Livret en anglais, français, italien. Janvier 2020. TT 61’21. Arcana A 481.