Pierre Barbizet, aristocrate du clavier 

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Pierre Barbizet. The Complete Erato & HMV Recordings. Oeuvres de Ludwig van Beethoven (1770-1827), Johannes Brahms (1833-1897), César Franck (1822-1890), Gabriel Fauré (1845-1924), George Enescu (1881-1955), Claude Debussy (1862-1918) ; Maurice Ravel (1875-1937), Ernest Chausson (1855-1899), Gabriel Pierné (1863-1937), Emmanuel Chabrier (1841-1894), Frédéric Chopin (1810-1849), Robert Schumann (1810-1856), Alban Berg (1885-1935), Serge Nigg (1924-2008). Pierre Barbizet, Samson François, Jean Hubeau : pianos ; Christian Zacharias, violon ; Jean-Pierre Rampal, flûte ; Andrée Esposito, soprano ; Quatuor Parrenin, Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, Georges Prêtre ; Orchestre National de la Radiodiffusion Française, André Cluytens. 1955-1982. Livret en français, anglais et allemand. 1 coffret de 14 CD Erato. 0190295187620. 

Le Bartók inattendu de Cheng Zhang

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Béla Bartók (1881-1945) : Sonate pour deux pianos et percussions ; Sonate pour pianoEn plein air ; Suite de danses. Cheng Zhang (piano), Tomoki Kitamura (piano), Juris Azurs et Weiqi Bai (percussion). 2020. 71’03. Texte de présentation en anglais. Claves 50-3009

Molière et Lully au fastueux Grand Divertissement de Versailles en 1668

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Jean-Baptiste Lully (1632-1687) : La Grotte de Versailles, églogue en musique sur un livret de Philippe Quinault ; George Dandin ou Le mari confondu, comédie en musique de Molière et Lully. Ensemble Marguerite Louise, direction : Gaétan Jarry. 2020. Livret en français, en anglais et en allemand. Textes chantés en français avec traduction en anglais et en allemand.78.43. Château de Versailles CVS027.

La voix de Dorothee Mields et la flûte de Stefan Temmingh pour Telemann

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Georg Philipp Telemann (1681-1767) : Sonatine TWV 41:a4 pour flûte et basse continue ; Cantate « Du bist verflucht, o Schreckensstimme » TWV 1:385 ; Sonate en trio pour flûte, viole et basse continue TWV 42:d7 ; Cantate « Locke nur, Erde, mit schmeichelndem Reize » TWV 1:1069 ; Sonate en trio TWV 42:F3 pour flûte, basse de viole et basse continue ; Cantate « In gering und rauhen Schalen » TWV 1:941 ; Sonate en trio TWV 42:g9 pour flûte, viole et basse continue. Dorothee Mields, soprano ; Stefan Temmingh, flûte ; Daniel Rosin, violoncelle baroque ; Domen Marincic, viole et basse de viole ; Wiebke Weidanz, clavecin. 2020. Livret en anglais, en français et en allemand. Textes des cantates en allemand avec traduction en français et en anglais. 59.16. Accent ACC 24371.

Fatma Saïd, le chant de l’âme 

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La soprano Fatma Saïd est une chanteuse qui met le monde à ses pieds. Son album El Nour a fait l’évènement par l’originalité de son concept, et chacune de ses apparitions séduit le public et les commentateurs. Les comparaisons sont des plus flatteuses alors que l’on voit en elle une nouvelle “Maria Callas”. Crescendo Magazine rencontre une musicienne qui franchit les frontières des genres et qui pose un regard fin sur son époque.

Votre album se nomme “El Nour”, ce qui signifie la Lumière. Pouvez-vous nous en expliquer le concept ? 

Mon premier album El Nour, "la lumière" en arabe, a pris des années à se faire. Avec lui, j'ai voulu explorer comment une musique qui a été interprétée de nombreuses fois peut être présentée de différentes façons, sous un autre jour. Il relie trois cultures et trois langues -l'arabe, le français et l'espagnol- et montre combien, malgré les différences culturelles, géographiques et historiques, elles ont en commun sur le plan musical.

Le panel de compositeurs proposé est très large : Maurice Ravel, Hector Berlioz, mais aussi des compositeurs comme Fernando Obradors ou Philippe Gaubert sans oublier Ğamāl Abd al-Rahīm, Najib Hankache, Said Darweesh, Elias Rahbani, Dawoud Hosni. Comment les avez-vous choisis ?

Je pense que ces trois cultures ont beaucoup plus en commun que nous le pensons. L'occupation française de l'Égypte et l'immigration arabe en Espagne ont créé au fil des ans des liens et des connexions artistiques que je peux vraiment ressentir dans la musique de ces trois cultures. Je me suis toujours sentie très proche de la musique espagnole, française et méditerranéenne et il était tout simplement logique de savoir pourquoi. Cette combinaison représente vraiment mon propre goût musical et me représente en tant qu'Égyptienne. L'Égypte a été fortement influencée par des pays comme l'Espagne et la France, mais elle les a aussi influencés sur le plan historique, artistique, littéraire et musical.

Alexander Boldachev, harpiste d’ouvertures 

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Virtuose accompli de la harpe, Alexandre Boldachev fait l’évènement avec un inattendu album Chopin qu’il mène depuis son instrument. Crescendo Magazine rencontre ce musicien hors normes qui se complait dans les frontières des styles et des genres. 

Votre nouveau disque est dédié à Chopin. C'est un choix très surprenant pour un harpiste. Quelles sont les motivations qui sous-tendent ce projet musical ? 

Ma principale motivation était de créer un nouveau son. Le son est un aspect central car la composition n'est qu'un matériau. J'aime Chopin et sa musique était en résonance avec mon monde. J'aime écouter comment les pianistes mettent leur énergie dans les Mazurkas et les Nocturnes. Au fur et à mesure, les idées se sont décantées dans mon esprit et je me suis dit que le concept de cet album valait la peine d'être essayé. Dernier argument, et non des moindres : Chopin a toujours été décrit comme un pianiste avec une touche de "harpe" et sa musique est pleine de lumière et de transparence...N’oublions pas non plus que sa chère George Sand jouait de la harpe. Toutes ces combinaisons m'ont entraîné vers ce projet. 

L'œuvre de Chopin est quantitativement importante. Comment avez-vous choisi les partitions présentées sur cet album ? 

J’ai parcouru tous les opus et j'ai pris ceux qui sont "sous les doigts". C'était un moment amusant et cela m'a donné une vision complète des œuvres de Chopin. J'aime aussi raconter des histoires et je ne peux pas ouvrir toutes les portes, sinon, ce ne serait pas intéressant. Mais les auditeurs de l'album peuvent trouver les chemins subjectifs qui ont guidé mon choix. N'est-ce pas un moment de bonheur pour chaque artiste ?

Beethoven à Amsterdam, au coeur du travail éditorial 

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L’Orchestre Royal du Concertgebouw d’Amsterdam honore l’année Beethoven avec un magistral coffret d’enregistrements historiques des symphonies sous des baguettes aussi légendaires que virtuoses : Leonard Bernstein, Nikolaus Harnoncourt, Carlos Kleiber. L’orchestre amstellodamois est également l’un des orchestres les plus actifs au niveau éditorial via son propre label. Crescendo a voulu en savoir plus et entrer au coeur du fonctionnement de ce pan de l’activité de la légendaire phalange hollandaise. Rencontre avec Lodewijk Collette, responsable éditorial et Daniël Esser, ancien violoncelliste de l’orchestre et conseiller sur ces parutions. 

L'Orchestre Royal du Concertgebouw d'Amsterdam (RCOA) fait paraître un coffret historique avec neuf chefs d'orchestre différents dans les 9 symphonies de Beethoven. Comment l'ADN du Concertgebouw est-il lié aux symphonies de Beethoven ? 

Il existe une ligne -assez directe- entre l’Orchestre Royal du Concertgebouw d’Amsterdam et Beethoven via son chef d'orchestre Willem Mengelberg. Il a reçu des leçons de direction d'orchestre de Franz Wüllner (1832 - 1902). Ce musicien très influent avait lui-même appris son idiome et son univers avec Anton Schindler (1810-1856), l'apprenti et le secrétaire de Beethoven (et aussi son premier et peu fiable biographe). Mengelberg a utilisé ces connaissances, qui consistaient en annotations de Wüllner, reportées dans ses propres partitions. Ce qui a eu une influence directe sur ses propres interprétations de Beethoven. Cela a donné lieu à de nombreux cycles de Beethoven au cours de sa carrière de chef d'orchestre et, plus tard, sous la direction des générations suivantes de chefs d'orchestre du Concertgebouw, ce lien s’est poursuivi. 

Ralph Vaughan Williams (I)

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Crescendo Magazine publie en épisodes un dossier qu’Harry Halbreich avait consacré à Ralph Vaughan Williams en 2008, à l’occasion des 50 ans de la disparition du compositeur 

La musique anglaise, on le sait, a toujours du mal à franchir le Channel. Pour le Français (ou le Belge francophone) moyen, elle se résume peu ou prou à Purcell et Britten. Pratiquement jamais entendue chez nous, la musique de Vaughan Williams l'est beaucoup plus fréquemment en Flandre où joue la séculaire alliance anglo-flamande face à la France. Elle est bien sûr très répandue et même populaire dans le monde anglophone, aux Etats-Unis en particulier, mais guère dans le reste du monde. Il s'agit pourtant d'un des créateurs les plus féconds, originaux et puissants de sa génération, qui est celle de Sibelius, de Schönberg, de Scriabine, de Reger, de Falla, de Rachmaninov ou de Ravel. Ravel, son cadet de trois ans, auprès duquel il alla étudier une année (1908), âgé de trente-six ans déjà, après qu'une formation académique auprès de Max Bruch à Berlin (1897) ne lui eût rien apporté de ce qu'il cherchait. Et c'est là une première et précieuse indication quant à sa personnalité et son art.

Né le 12 octobre 1872 à Down Ampney (Gloucestershire) dans l'Ouest rural de l'Angleterre, non loin de Broadheath, patrie d'Edward Elgar, son aîné de quinze ans seulement, il provenait d'un milieu bourgeois aisé, en partie d'ascendance galloise, mais allié aux Darwin et aux Wedgwood du côté maternel. Ses racines sont aussi déterminantes que pour Elgar, mais ce dernier était le fils d'un modeste accordeur de pianos, catholique romain de surcroît. Le jeune Ralph s'oriente de bonne heure vers la musique, se formant au Royal College of Music (Londres) et au célèbre Trinity College de l'Université de Cambridge, mais il ne fut nullement un génie précoce et ne composa que fort peu avant le début de ce siècle. Mais un tournant décisif se produisit en 1903, lorsque, à la suite de sa rencontre avec Cecil Sharp, pionnier de la collecte des chants populaires des Iles Britanniques, il se mit lui-même à arpenter les campagnes, recueillant quelque 800 témoignages d'une tradition de plus en plus menacée par l'industrialisation : 331 lors d'une première campagne du 4 décembre 1903 au 14 janvier 1905, 266 du 14 novembre 1905 au 8 septembre 1906, 172 encore de juillet 1909 au 16 septembre 1910, après son retour de chez Ravel à Paris. Cependant, dès 1895 il s'était lié avec Gustav Holst, son cadet de deux ans, d'une amitié qui devait durer jusqu'à la mort de ce dernier en 1934. Avec Holst, il découvrit les trésors de la polyphonie des Tudor et de l'âge élisabéthain.

L'Europe des Temps modernes : Autriche et Bohême

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Suite de notre tour d'horizon de l'Europe musicale des Temps modernes (après Londres, la France et le Portugal), cette étape nous conduit aux marches du continent : en Autriche et en Bohême.  L’expression du baroque en musique a été le moteur d’une véritable frénésie de création à l’échelle européenne. Nous ne pouvons donc décemment quitter notre tour d’horizon de la Stravaganza baroque sans évoquer les compositeurs qui ont brillamment défendu la cause du baroque en musique bien au-delà des frontières des pays qui ont joué à cette époque un rôle prépondérant.

Dans les pays de langue allemande, la création musicale au XVIIe siècle est assez étroitement liée aux luttes religieuses et politiques. Si l’Allemagne du Nord, qui a embrassé la nouvelle religion protestante, développe un langage nouveau fait d’une fusion de diverses influences autour du choral, l’Allemagne du Sud, l’Autriche et la Bohême, restées fidèles au catholicisme, évoluent dans l’ombre de Rome et de Venise, au point de devenir de véritables succursales du baroque italien triomphant. Salzbourg (la « Rome du Nord ») et Vienne l’impériale entretiennent d’étroits liens avec la Péninsule, que la présence de nombreux musiciens italiens aux postes-clés des principales chapelles princières et des plus importantes maisons d’opéra austro-allemandes vient encore renforcer.

Soutenue par un mécénat aristocratique éclairé et très puissant, la création musicale et, plus largement, l’ensemble de l’activité artistique s’épanouit sans entraves. En effet, tant les Habsbourg à Vienne et à Prague que les différents Princes-Archevêques qui se succèdent à Salzbourg sont des mécènes doués et généreux, souvent musiciens eux-mêmes, et toujours très versés dans la culture italienne, avec laquelle ils entretiennent des liens privilégiés. Les Princes rivalisent autant sinon davantage dans la chasse aux talents artistiques que sur les champs de bataille ! Ils commandent de nombreuses oeuvres destinées à rehausser le faste des grandes fêtes. Anniversaires, couronnements, mariages, visites d’état sont autant d’occasions de déployer toute la splendeur de la chapelle musicale afin de divertir la Cour. Banquets en musique (Tafelmusik), opéras de cérémonie (tel Il Pomo d’Oro de Cesti pour le mariage de l’Empereur Leopold Ier et de Margareta Teresa d’Espagne) et autres ballets équestres (Balletto a cavallo) rythment la vie des Cours austro-allemandes tout au long du siècle.