Passionnante exploration du répertoire pour cor(s) et piano(s)

par
cor et piano

Ludwig van BEETHOVEN
Sonate, op. 17
Robert SCHUMANN
Adagio et Allegro, op. 70
Franz STRAUSS
Nocturno, op. 7
Gioacchino ROSSINI
Prélude, thème et variations
Camille SAINT-SAËNS
Romance, op. 67
Alexandre GLAZOUNOV
Rêverie, op. 24
Paul DUKAS
Villanelle
Gilbert VINTER
Hunter’s Moon
Alec Frank-Gemmill (cors), Alasdair Beatson (pianos)
2016/2017 - DDD- 65’56- Textes de présentation en anglais, allemand et français - BIS-2228

Placé sous l’invocation de la célèbre citation tirée du Traité d’instrumentation de Berlioz « Le cor est un instrument d’un caractère noble et mélancolique », ce passionnant enregistrement nous offre une anthologie couvrant près d’un siècle et demi de musique pour cor et piano. En outre, il fait preuve d’un approche captivante puisque -fort de sa pratique du cor baroque, classique, romantique et moderne- Alec Frank-Gemmill a choisi d’illustrer le répertoire offert en ayant recours à quatre instruments différents. Et pour ne pas demeurer en reste, le pianiste Alasdair Beatson touche quatre pianos différents qui retracent, eux aussi, l’évolution de la facture instrumentale sur près d’un siècle.
Ainsi, la Sonate de Beethoven est jouée sur un cor d’orchestre (cor naturel) de Lucien Joseph Raoux (Paris, vers 1800) et un très beau pianoforte de type viennois (cadre en bois) construit vers 1815 par le facteur palermitain Salvatore Lagrassa. L’interprétation de l’oeuvre est remarquable et la maîtrise du corniste confondante : justesse et articulation parfaites, sonorités riches et variées qu’on comparera -comme tout au long de ce récital- avec la plus grande homogénéité qu’offre le cor à pistons rotatifs (palettes) moderne. La subtilité du pianiste et la légèreté de son toucher sur cet instrument finement chantant méritent également d’être saluées.
Pour les oeuvres de Schumann et de Franz Strauss (père corniste de Richard Strauss), Frank-Gemmill passe à un cor à pistons viennois (Wiener Horn) daté de le fin du 19ème siècle et dont la sonorité est extrêmement proche des instruments encore en usage aujourd’hui à l’Orchestre philharmonique de Vienne. Beatson passe ici à un très bel instrument du facteur -viennois lui aussi- Jean-Baptiste Streicher de 1847. Dans Schumann, les interprètes trouvent d’emblée le ton romantique, intime et fervent propre à cette musique. La maîtrise de la cantilène de Frank-Gemmill est remarquable et digne des meilleurs interprètes de lieder, alors que cor et piano se répondent dans le plus bel esprit de la musique de chambre.
Pour Rossini et Saint-Saëns, le corniste a retenu un cor solo (version la plus élaborée du cor naturel) de 1823 d’un autre facteur parisien, Marcel Auguste Raoux, alors que le pianiste touche un très beau Blüthner de 1867 à la fine sonorité perlée si typique de cette grande maison. Une fois de plus, il faut saluer la virtuosité de Frank-Gemmill qui non seulement maîtrise sans difficulté les passages les plus ardus (tels ceux qu’on trouve dans les Variations de Rossini), mais veille en même tant à assurer à tout moment une parfaite continuité à la ligne mélodique et pare la musique de superbes nuances et couleurs, comme dans la belle et brève Romance de Saint-Saëns, déclamée comme le ferait un excellent chanteur ou comédien. Quant à Beatson, il rend les fioritures de l’écriture pianistique avec beaucoup de caractère.
Pour les trois dernières oeuvres de ce récital, c’est une belle surprise que nous offre Frank-Gemmill puisqu’il les joue sur un cor à pistons (modèle Périnet) du début du 20ème siècle dû au facteur bruxellois Victor Charles Mahillon. (La notice affirme que ce type de cor est resté en usage en France et en Angleterre jusque vers 1950. L’auteur de ces lignes a cependant encore assisté à une exécution de la Sonate de Beethoven sur un cor à pistons par le corniste français Georges Barboteu en 1974.) A ce très bel instrument s’adjoint un magnifique Bechstein à cadre en fonte de 1898, et qui illustre si bien l’ineffable et cristalline douceur de ces instruments qui plaisaient tant à Debussy. Dans sa Villanelle, Dukas demande expressément que le premier mouvement soit interprété « sans les pistons » et le second « avec les pistons ». Inutile de dire que Frank-Gemmill s’en sort brillamment dans les deux cas et qu’il aurait certainement été admis sans trop de problèmes dans la classe de cor du Conservatoire de Paris pour laquelle ce morceau fut écrit. Pour finir en beauté et en humour -britannique, of course- le duo exécute avec un chic fou Hunter’s Moon du peu connu Gilbert Vinter, musique charmante et légère qui conclut un splendide récital.
Patrice Lieberman

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10 

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