Pour découvrir un "autre" Grétry

par

André-Modeste GRETRY (1741-1813)
Guillaume Tell

M.LAHO (Tell), A-C. GILLET (Mme Tell), L.LHOTE (Gessler), L.DEVOS (Marie), N.KOWALSKI (Le fils Tell), P.DELCOUR (Melktal), S.CIFOLETTI (Le fils Melktal), R.JOAKIM (Le voyageur), Orchestre et Choeurs de l'Opéra royal de Wallonie, dir.: Claudio SCIMONE
2013-DDD-78' 54''-notice et livret en français, néerlandais, allemand et anglais-chanté en français-1CD Musique en Wallonie MEW 1370

A la fin de ma critique du spectacle vu à Liège, le 15 juin 2013, j'espérais un enregistrement de cet opéra remarquable : le voici. Il fallait en effet garder une trace d'une oeuvre aussi intéressante et nouvelle : elle permet à l'amateur d'apprécier un tout autre Grétry que le compositeur d'opéras-comiques bien connu. D'autant plus que l'interprétation était excellente. A la réécoute, j'ai pris un aussi grand plaisir que lors de la représentation, de l'ouverture avec ranz des vaches, jusqu'à l'hymne à la liberté final. Ce qui frappe, à l'audition seule, c'est l'articulation un peu forcée des dialogues : cela passe sur scène, moins au disque, il faut l'avouer. A part ce détail, quel enchantement constant que ce premier acte, encore très opéra-comique certes, avec cette succession d'airs et de duos ravissants. Les couplets de Tell : On ne peut de trop bonne heure en est un bon exemple. Arrive le final de l'acte et tout bascule. Melktal a été aveuglé : le choeur rugit, et le drame commence. L'acte II tout entier est tragique, et construit comme une arche immense. Débutant par l'air féroce de Gessler, il est centré sur un tableau imposant : c'est la scène de la pomme, bien sûr, qui culminera sur le choeur impressionnant : Nous vivons et nous souffrons de telles ignominies. Suit le dernier acte, et l'air gluckiste de Madame Tell Ô ciel, où vont ces scélérats ? Le tout est d'une qualité musicale exceptionnelle. Le trio Je suis altéré de vengeance démontre la science d'écriture de Grétry, qui n'hésite pas à prouver ensuite son enthousiasme républicain dans le choeur martial Mourons pour la patrie, un jour de gloire vaut cent ans de vie. Un bel hymne clôt ce "drame en trois actes" si original. Pour l'interprétation, je ne puis que renvoyer à ma chronique du spectacle liégeois : je ne change en rien mon avis, bien au contraire, sur les voix et le tempérament des brillants solistes entendus, tout comme sur l'excellence de la direction de Claudio Scimone (écoutez les jolis entractes, par exemple). Ceux qui ont eu le bonheur de voir la réalisation de l'Opéra royal de Wallonie se réjouiront, grâce à cet enregistrement, soutenu par le Palazzetto Bru Zane-Centre de musique romantique française, de pouvoir écouter la partition pour elle-même, à tête reposée. Quant aux autres, et je les souhaite très nombreux, ils en découvriront à l'envi les très nombreuses et brillantes qualités.
Bruno Peeters

Son 9 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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