Pour un premier enregistrement, un coup de maître...

par
Zen

Johannes BRAHMS
(1833 - 1897)
Trio à clavier op. 8 (version révisée) - Danse hongroise n°6 (arrangement Louis Ries)
Antonin DVORAK
(1841 - 1904)
Trio à clavier "Dumky" op. 90
The Z.E.N. Trio
2017-DDD-70'43''-Textes de présentation en anglais, allemand, français, japonais?-chinois?-DG 481 6292

Le nom du Trio pourrait n'avoir rien à voir une quelconque référence bouddhique mais est constitué des initiales des trois membres du groupe : Zhang Zuo (piano), Esther Yoo (violon), Narek Hakhnazaryan (violoncelle). La première est chinoise, la seconde coréenne-américano-belge et le troisième arménien. Mais la notice biographique nous dit que "le nom de l'ensemble représente aussi la philosophie guidant leur approche de la musique de chambre : renoncer au moi individuel au profit d'une communion totale." Les trois artistes se sont rencontrés en 2015 lors du programme "BBC New Generation Artists" et depuis, donnent ensemble des concerts pour la BBC, dans le Royaume-Uni et en Europe.
Pour leur entrée chez DG, ils ont choisi deux oeuvres majeures du répertoire de musique de chambre. Et unir Brahms à Dvorak n'a rien d'anodin puisque, de huit ans son aîné, Brahms se prit d'affection pour le compositeur tchèque, édita et corrigea ses oeuvres alors qu'il était aux Etats-Unis et le présenta chez son éditeur Simrock à Berlin. Si le Trio porte le numéro d'opus 8, Brahms aurait souhaité qu'il porte le n°108. En effet, il n'était pas content de son opus 8, sa première oeuvre de musique de chambre composée en 1854, année de la tentative de suicide de Robert Schumann qui l'avait accueilli peu avant les bras ouverts, enthousiasmé par l'oeuvre d'un jeune homme de vingt ans à peine. On sait combien ces moments furent pénibles pour le jeune Brahms. Aussi, trente-six ans plus tard, en 1890, il révisa son opus 8, le réduisant d'un quart, ramenant les trois thèmes du premier mouvement à deux et réalisant ça-et-là divers changements : une version beaucoup plus condensée en quelque sorte et qui est habituellement jouée. Tout l'art d'interpréter la pièce est d'en rendre l'esprit qu'avait préservé le compositeur : en garder l'esprit juvénile traduite par l'expérience d'un vieux maître. C'est ce que réalise magnifiquement le Trio Z.E.N. par un jeu vif, dynamique et contrasté que nous trouverons aussi dans le Trio Dumka de Dvorak où ce jeu de contraste est indispensable à l'esprit de la forme. Avec ce Trio, Dvorak rompait avec la forme héritée de Haydn, Mozart et Beethoven en trois ou quatre mouvements. Ici, le Trio est en six mouvements, chacun constituant une "Dumka" soit six Dumki qui s'enchaînent. Un peu dans l'esprit de la Czardas hongrois, la Dumka importée d'Ukraine par les Slaves de Bohême est un genre musical "pensif", "méditatif" constitué de plusieurs parties contrastées. A un épisode lent, mélancolique, angoissé, dépouillé, conteur, succède un rythme de danse, enjoué, endiablé, trépidant, de caractère populaire. Là aussi, le Trio Z.E.N. est totalement investi : les cordes se font sombres ou miroitantes avec le piano pour complice; la sonorité est toujours spontanée mais soignée, toujours chaleureuse et portée sur une rythmique en constant éveil. Un petit bémol : une prise de son assez étouffée. Mais pour un premier enregistrement, c'est un coup de maître.
Bernadette Beyne

Son 8 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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