Quand les progrès de la technologie mettent à mal le patrimoine

par

Maurice RAVEL
(1875-1937)
Rhapsodie espagnole-Pavane pour une infante défunte-Daphnis et Chloé, ballet intégral

Orchestre Symphonique de Londres, Choeur du Covent Garden, dir.: Pierre MONTEUX
1959-1961-DDD-73'41-Textes de présentation en anglais et français-Praga 350 073
Le mieux serait-il l'ennemi du bien? C'est la conclusion à laquelle on arrive à l'écoute de cette nième réédition de la célébrissime version de Daphnis et Chloé par Pierre Monteux. En effet, on ne peut qu'être abasourdi a priori par la qualité du son proposé par Praga pour un enregistrement, à la qualité technique fabuleuse dès l'origine certes, mais qui va tout de même sur ses 55 ans. On est séduit et sous le charme comme devant un beau tour de magie, mais pourquoi diable a-t-on tout de même l'impression de ne plus reconnaître ce disque que l'on a tant de fois écouté? Pour en avoir le coeur net, on retourne à notre vieux vinyle dans son pressage original, le Decca LXT 5536 pour les intimes. Et là, surprise! On a peine à accepter qu'il s'agit bien de la même gravure. A force de travail de restauration sur tous les registres, du grave à l'aigu, en veillant à ce que chacun bénéficie d'un rendu optimal, la couleur d'ensemble a changé de façon significative. Il est toujours difficile de décrire le ressenti de couleurs musicales mais, pour résumer, disons que le report nous propose un orchestre plus lourd, plus capiteux, des basses plus opulentes, le tout plus accrocheur et en même temps très passe-partout, « standard ». On n'y retrouve pas du tout la transparence et la « légèreté » légendaires du son de Monteux, reconnaissables entre mille. Pas plus qu'on ne reconnaît le grain particulier du son Decca de l'époque. Fine bouche? Peut-être. Ou bien perte irrémédiable d'un patrimoine due à un souci de proposer un paysage sonore dans les normes d'aujourd'hui, quitte à dénaturer l'original? A une certaine époque du 33 tours, la stéréophonie artificielle avait voulu redonner un coup de jeune à de vénérables galettes monophoniques à l'origine. Le résultat, épouvantable, avait fait long feu mais le principe était déjà le même qu'ici, avec les mêmes conséquences. A cette différence près que le produit fini, cette fois, est bien plus présentable. Mais la perte n'en est pas moins réelle. Un contre exemple à méditer.
Bernard Postiau
Son 8 - Livret 9 - Répertoire 10 - Interprétation: 10

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