Quatre chefs et sept solistes pour le concert de gala des ICMA 2015

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C'est à Ankara qu'ont eu lieu la remise des prix et le concert de gala des International Classical Music Awards 2015 à l'invitation du Bilkent Symphony Orchestra (BSO), véritable institution en Turquie. 

Le BSO fête cette année ses 20 ans et est intégré à la Bilkent University, une université privée fondée par un milliardaire turc et dans laquelle figurent le conservatoire de musique et sa salle de concerts. Un milliardaire intéressé dans l'aéroportuaire et l'immobilier qui pense à investir dans la formation universitaire... et... musicale... cela fait rêver nombre de musiciens !
Le Bilkent Symphony Orchestra a été récompensé d'un Special Achievement Award car c'est grâce à lui que la musique classique occidentale s'est fait connaître dans les années 1930 aux portes de l'Orient par de nombreux concerts et des commandes à des compositeurs turcs. De nombreux lauréats des ICMA 2015 avaient accepté l'invitation de se joindre au Bilkent Symphony Orchestra pour une soirée qui restera mémorable tant pour eux que pour le public venu nombreux et où on pouvait reconnaître des producteurs de disques, des agents et des organisateurs de concerts venus des quatre coins du monde pour un soir à Ankara.

Après la remise des prix, place au concert qui débutait par le thème des Variations Goldberg sous la pensée de Zhu Xiao-Mei (Special Achievement Award et représentant Accentus, label de l'Année), un Bach tout d'intériorité se déployant sur le silence.
Disciple d'Heinrich Neuhaus et de Maria Yudina, Evgeni Koriolov (Solo Instrumental Award) n'est pas très connu en nos contrées francophiles et c'est bien dommage. L'Andantino de la Sonate D. 959 de Schubert est d'une puissance expressive incomparable, pistant le compositeur au plus profond de son être. On se souviendra que c'est Evgeni Koriolov qui fut le professeur d'Anna Vinnitskaïa à Hambourg.
C'est au Sheng que fut ensuite donnée la présence avec une Dragon Dance  hallucinante. Appelé "Sheng" en chinois, "shô" en japonais, il s'agit d'un instrument à vent à anche libre, une sorte d'orgue à bouche qui existe depuis des millénaires en Chine et inspira l'invention de l'accordéon chez nous au 19e siècle. La Dragon Dance était jouée par Wu Wei (Contemporary Music Award).

Adam Fischer © Aydin Ramazanoglu
Adam Fischer © Aydin Ramazanoglu
Jodie Devos © Aydin Ramazanoglu
Jodie Devos © Aydin Ramazanoglu

Adam Fischer (Best Collection Award pour l'intégrale des Symphonies de Mozart avec le Danish National Chamber Orchestra chez Da Capo) prit ensuite la baguette pour une fulgurante Ouverture des Noces de Figaro  de Mozart.
La très mozartienne Jodie Devos a ensuite très vite convaincu que son magnifique colorature était tout aussi à l'aise dans l'Air des Clochette  de Delibes ou Glitter and be gay Candide de Bernstein. La "Jeune Artiste de l'Année - Art vocal" a totalement ensorcelé le public et l'orchestre, envoûtés par le fruit de sa voix mais aussi sa toute naturelle présence expressive. Ovation.
Le public pouvait ensuite découvrir le "Jeune Artiste de l'Année - Art Instrumental), Yuri Revich (voir son interview) dans une Carmen Fantasy de Sarasate truffée d'inventivité et techniquement irréprochable. C'est Isin Metin qui dirigeait l'orchestre avec maîtrise et belle écoute.

Après une pause dans la convivialité et la belle humeur -on le serait à moins-, c'est Alexander Liebreich, directeur artistique et chef principal de l'Orchestre de Chambre de Munich et de l'Orchestre Symphonique National de la Radio Polonaise basé à Katowice qui emmena l'orchestre dans l'introduction du Concerto pour orchestre de Lutoslawski. Remplaçant Lucasz Borowicz (Special Achievement Award pour l'enregistrement de l'intégrale de l'oeuvre d'Andrzej Panufnik chez CPO) à l'oeuvre le même soir au Beethoven Festival de Varsovie, Alexander Liebreich affine le son de l'orchestre; tout est ici élégance, raffinement, précision et couleur; c'est Alexander Sitkovetsky qui défendait avec intériorité et souplesse d'archet l'Adagio et Finale du Concerto pour violon du compositeur polonais en présence de son épouse, Lady Camilla. Violon concertant encore avec Christian Tetzlaff (Artiste de l'Année) dans le Finale du 2e Concerto de Chostakovitch. Une vision totalement et profondément engagée, une technique à toute épreuve; le violon fait corps avec l'orchestre dirigé par Isin Metin, un grand moment de musique. C'est à Dmitrij Kitachenko (Lifetime Achievement Award) que revenait l'honneur de clôturer la soirée avec -on ne nie pas son arbre généalogique !- deux pièces de la  Suite op. 20a Lac des Cygnes de Tchaikovsky. Une soirée de grand cru pour la 5e édition des ICMA.
La remise des prix et le concert de gala des ICMA 2016 auront lieu à San Sebastian le 14 mai à l'invitation de l'Orchestre Symphonique d'Euskadi.

Bernadette Beyne
Ankara, le 28 mars 2015 

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