Rameau et Berlioz au service de l'innovation et de l'expressivité

par
Harding

Jean-Philippe RAMEAU
(1683 - 1764)
Hippolyte et Aricie, suite d'orchestre
Hector BERLIOZ 
(1803 - 1869)
Symphonie fantastique, op. 14
Swedish Radio Symphony Orchestra, Daniel Harding, direction
2016-DDD-70'53-Textes de présentation en français, anglais et allemand-Harmonia Mundi-HMC902244

Associer Rameau et Berlioz au disque comme au concert n'est pas habituel. En réalité, l'association proposée par Daniel Harding et le Swedish Radio Symphony Orchestra relève avant tout de la relation -bien que séparée d'un siècle- entre le premier opéra de Rameau, Hippolyte et Aricie, et la Symphonie fantastique, aussi nommée "Episode de la vie d'un artiste", de Berlioz. Une relation qui pourait se résumer en un mot : innovation. D'un côté, Rameau en 1733 revoit les codes de l'opéra au service de la dramaturgie et donc de l'expressivité. Sur un livret de l'abbé Pellegrin inspiré par Séneque, Euripide et Racine avec sa Phedre, Rameau repense la place de l'orchestre et ses couleurs tout en revoyant celles des airs et des choeurs. D'un autre côté, Berlioz, qui n'a qu'une vague connaissance de l'oeuvre de Rameau, bouleverse à son tour le paysage musical avec la Symphonie fantastique créée par Habeneck en décembre 1830. Puisant son inspiration chez Beethoven mais aussi dans les textes de Goethe, Hugo et d'autres, Berlioz repense d'une manière presque révolutionnaire la matière orchestrale par le choix et la combinaison d'instruments peu usités à l'époque tout en s'intéressant de près à un travail déjà entrepris par Rameau : l'harmonie. Si Rameau a ouvert les portes de l'expressivité, Berlioz, en s'aventurant dans des terres inconnues, a clairement dessiné les voies du romantisme en musique et des grandes oeuvres à venir.
C'est fort de cette relation que Daniel Harding et son orchestre (sur instruments modernes) offrent une lecture intelligente de la Suite de Hippolyte et Aricie. L'actuel directeur de l'Orchestre de Paris donne de cette suite tout ce qu'il y a à espérer : couleurs, dynamiques, contraste, transparence et dialogue pour un orchestre qui adopte volontiers un jeu plus "ancien" sans pour autant s'enliser dans une certaine banalité. Chez Berlioz, on soulignera la vitalité qu'inculque Harding, sans entrer dans l'extravagance ou la pure démonstration virtuose ; en témoigne notamment le choix du tempo modéré de la "Marche au supplice". De manière habile et finalement naturelle, Harding galvanise son orchestre en mettant en valeur un respect total pour les dynamiques, le phrasé et les couleurs. Alors que la "Scène aux champs" présente un dialogue fort d'une écoute permanente dont l'oreille capte toutes les astuces acoustiques voulues par Berlioz, "Un bal" affichera clarté et élégance grâce un orchestre dont l'approche type "musique de chambre" reflète un beau travail d'équipe. Un travail d'orfèvre qui en définitive semble être le résultat d'une collaboration fructueuse.
Ayrton Desimpelaere

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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