Rencontre : Michel-Etienne Van Neste, Secrétaire Général

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Le Concours est une vaste entreprise qui mobilise toute une équipe bien au-delà du traditionnel mois de mai. Pour que chacun puisse en prendre la mesure, nous publions chaque jour un compte-rendu, une interview,… qui éclaire ce travail de l’ombre.
Aujourd’hui, nous donnons la parole à Michel-Etienne Van Neste, Secrétaire Général du Concours.

Mimiche- Comment êtes-vous devenu le Secrétaire Général du Concours Reine Elisabeth ?
De manière assez naturelle, à l’image du parcours de mes prédécesseurs. J’ai commencé au Concours Reine Elisabeth comme jobiste étudiant en 1988, à l’occasion du premier Concours de chant. A l’époque, il n’y avait que deux mi-temps dans l’équipe. L’une des personnes est partie et j’ai eu la chance d’intégrer le poste. Je suis devenu le collaborateur de Cécile Ferrière qui était alors la patronne du Concours. J’ai fait cela pendant sept ans avant de rejoindre le comité exécutif en 1995. Cécile Ferrière a quitté le Concours en 2000 et je lui ai succédé. Entretemps, l’équipe s’est étoffée et nous sommes désormais 7 à travailler quotidiennement.

- Je suppose que, pendant le Concours, l’équipe est renforcée ?
Oui, et de manière considérable : nous avons des personnes bénévoles pour l’accueil des musiciens ou pour leur hébergement. Ce point est très important. Il y a une centaine de familles d’accueil qui aident les jeunes musiciens au jour le jour tout en les hébergeant jusqu’à la finale, sous la coordination de Patricia Breeus. La palette des personnes qui viennent renforcer l’équipe est très large ! Nous avons des gens pour distribuer du thé ou du café à la pause des épreuves, nous avons une personne qui veille au séjour des candidats à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth. Nous avons aussi des chauffeurs qui conduisent les musiciens de la Chapelle aux répétitions.

- Le rôle des familles d’accueil est très important et il est l’une des caractéristiques du Concours Reine Elisabeth. Pouvez-vous nous le présenter ?
Les familles d’accueil sont un souhait de la Reine Elisabeth. Elle voulait favoriser les rencontres entre les musiciens et la population. C’est ici l’un des aspects essentiels des concours nés après la Seconde Guerre Mondiale ! Leur création était portée par la volonté de rassembler et de faire dialoguer les peuples autours de la culture. Il ne faut pas oublier que la Fédération Mondiale des Concours Internationaux de Musique est chapeautée par l’UNESCO. Cet aspect humain compense la difficulté du Concours : la longueur des épreuves et la variété des répertoires demandés aux candidats. Il y a ici un aspect familial et des liens se tissent entre les jeunes candidats et les familles d’accueil.

- L’organisation annuelle du Concours est sans nul doute toujours un défi logistique et technique. En plus du mois des épreuves, l’année doit être toujours très intense ?
En effet, nous devons toujours anticiper et travailler en amont. Ainsi, nous préparons un Concours entre 3 et 4 ans en avance. Nous avons œuvré, cet hiver, à composer le jury du Concours 2019 ! Fin 2015, nous avions arrêté les dates des demi-finales et des finales de ce Concours 2019 car il faut bien sûr s’assurer de la disponibilité des salles et des orchestres ! Pendant l’année, nous avons des moments importants : le lancement du Concours, les pré-sélections ou l’annonce de la prochaine session. Ainsi en janvier 2016, nous avons publié les détails du Concours de violoncelle 2017.

- Le rôle des orchestres est très important, mais celui des chefs s’avère prépondérant. Comment choisissez-vous les chefs d’orchestre de la finale (cette année, Paul Meyer pour la demi-finale et Marin Alsop pour la finale) ?
Les choix des chefs se font en concertation avec les orchestres et leurs managers. Pour Marin Alsop, nous avons discuté avec Albert Wastiaux, alors intendant de l’Orchestre National de Belgique, et ses collaborateurs. Le comité exécutif du Concours Reine Elisabeth, qui se réunit tous les deux mois, est également partie prenante. Il faut que le chef d’orchestre choisi remplisse certains critères artistiques et humains comme la maîtrise du répertoire, l’intérêt pour le répertoire contemporain et, bien entendu, la volonté d’aider des jeunes musiciens.

- En 2017, le Brussels Philharmonic sera sur la scène du Palais des Beaux-Arts. Ce sera une première ! Quelles en sont les motivations ?
Nous avons désormais trois disciplines instrumentales au programme du Concours : piano, violon et violoncelle en 2017. Nous avons souhaité alterner la présence des orchestres en finale pour ne pas toujours mobiliser le mois de mai de l’Orchestre National de Belgique. En 2017, le Brussels Philharmonic et son directeur musical Stéphane Denève accompagneront les finalistes. Il faut dire que l’annonce de la création de l’épreuve pour violoncelle a été presque simultanée avec sa désignation au poste de directeur musical du Brussels Philharmonic. Stéphane Denève s’est aussitôt montré très enthousiaste pour ce projet ! Les collaborations se font presque de manière organique mais dans le respect des partenaires impliqués.

- Les lauréats du Reine Elisabeth, outre des carrières de solistes, intègrent également des formations de prestige que ce soit de musique de chambre ou des grands orchestres. Ainsi Noah Bendix-Balgley, finaliste non classé 2009, est devenu violon du Philharmonique de Berlin. Qu’est-ce que vous ressentez dans ces cas ?
C’est très positif et vous citez un très bel exemple. Nous trouvons très important que chacun des candidats trouve son chemin que ce soit en soliste, en leader d’orchestre, en chambriste ou à travers un répertoire particulier à l’image de notre compatriote Jan Michiels, finaliste non classé en 1991, qui s’est affirmé dans la musique contemporaine. Tous les musiciens sont les ambassadeurs du Concours et nous suivons toujours de près leurs évolutions. Il faut dire que désormais, grâce à Internet et aux réseaux sociaux, il est facile de suivre l’information. Mais tous les musiciens, même ceux pour qui le développement de carrière n’a pas été celui attendu, restent membres de la famille du Reine Elisabeth.

- La longueur du Concours, la difficulté du répertoire exigé et la dernière quinzaine avec les finalistes « consignés » à la Chapelle ne donnent-il pas un côté très « téléréalité », qui plaît au public qui suit les retransmissions ?
Il faut voir comment les médias font de l’audience, mais si une partie du public est fidèle à cause d’un cousinage avec le monde de la téléréalité, c’est aussi positif pour le Concours. D’un autre côté, les musiciens savent qu’ils ne peuvent plus vivre dans une tour d’ivoire, il faut être de son temps et profiter des opportunités des nouveaux moyens de communication. Les jeunes musiciens savent utiliser, à bon escient, ces vecteurs de communication. Mais il est important que chacun garde sa personnalité et cela dans le respect de la vie privée.

- Dans quel état d’esprit êtes-vous à la fin de chaque journée de l’épreuve ?
Il y a tout d’abord une grande satisfaction de l’équipe quand tout se passe bien. Dans le même temps, on est dans la musique et, naturellement, nous sommes tous plongés dans l’émotion. Nous avons bien sûr nos coups de cœur et chaque journée est une expérience très complète.

-  Quelles sont les années ou les évènements qui vous ont le plus marqué ? Est-ce qu’il y a des millésimes ou des candidats qui vous restent particulièrement à l’esprit ?
Il y a les personnalités. On me pose toujours des questions sur Pierre Alain Volondat (1er Prix en 1983). Il y a eu également le drame du Heysel en 1985, lors d’une finale de coupe d’Europe de Football. Ce drame a porté préjudice à la diffusion médiatique du Concours et beaucoup de musiciens sont passés dans l’ombre, sans doute en partie à cause de ce tragique évènement. Il y a aussi les anecdotes qui marquent le public comme le malaise de la soprano Jodie Devos lors de la première épreuve du Concours de chant 2014. Nous avons naturellement de l’empathie mais nous devons aider au maximum les candidats pour qu’ils puissent donner le meilleur d’eux-mêmes.

- Le Concours Reine Elisabeth comporte une dimension protocolaire avec la présence de la famille royale et surtout de la Reine Mathilde, puisque le Concours est placé sous son Haut Patronage ?
Nous avons un calendrier établi par le Palais qui nous permet d’anticiper et d’identifier les personnes que la Reine va rencontrer : la presse, les familles d’accueil, les orchestres, le compositeur ou les gens qui œuvrent en coulisse. Le rôle de la Reine Mathilde est très important symboliquement. Ainsi, traditionnellement, les membres du jury sont invités au Palais et ils ressentent cela comme un grand honneur. Par ailleurs, la Reine, quand elle est en voyage à l’étranger, est toujours très active pour promouvoir le Concours.
Propos recueilli par Pierre-Jean Tribot, avril 2016

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