Rencontre : Pieter Wispelwey au Brussels Cello Festival

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Les 13 et 14 octobre derniers, le violoncelliste néerlandais Pieter Wispelwey était à Bruxelles à l’occasion de la 1ère édition du Brussels Cello Festival, offrant des masterclasses à 4 jeunes violoncellistes, et participant au récital des Sonates de Brahms. Pierre Fontenelle, reporter de l’IMEP, s’est entretenu avec lui au sujet des masterclasses et de ses projets musicaux.  

« Un projet d’une immense satisfaction musicale »

Une matinée de masterclasses vient de se clôturer. Pourriez-vous nous décrire votre relation avec les masterclasses et nous dire en quoi elles se comparent à des cours « traditionnels » ?

Pour commencer, c’est un événement public. Il faut donc non seulement donner cours à l’étudiant qu’on a devant soi, mais aussi apprendre quelque chose au public, l’éclairer sur un sujet ou un autre ! Une autre particularité, c’ est que nous n’avons que très peu de temps pour chaque étudiant. Cela devient une occasion unique de tenter d’inspirer, de donner un petit coup de main, d’offrir de nouvelles perspectives… C’est un défi merveilleux, j’adore cela ! Il faut être rapide et créatif : d’abord pour déceler les lacunes de l’élève sur la base de quelques petites minutes de jeu, puis pour concevoir sur le champ le « plan thérapeutique » pour tenter d’y remédier.

A l’inverse de la génération actuelle de jeunes musiciens, vous n’avez pas participé à beaucoup de masterclasses ?

C’est exact, je n’ai participé qu’à une seule semaine de cours, en 1982, avec le grand pédagogue William Pleeth. C’était il y a très longtemps, mais sa puissance et sa théâtralité m’ont marqué. Le public adorait assister à ses masterclasses ; il provoquait des véritables métamorphoses lors de courtes sessions de travail. C’était stupéfiant.

Hier, vous avez joué en récital les deux sonates pour clarinette et piano de Brahms, au violoncelle.  C’est l’occasion d’aborder le sujet de votre intégrale discographique des œuvres pour duo de Schubert et de Brahms, quel que soit l’instrument, chez Evil Penguin Records, un label flamand. Sur les six CD prévus, où en sommes-nous actuellement ?

Le quatrième volet vient de paraître et les deux prochains seront publiés simultanément sur un double CD dont la moitié est déjà enregistrée. Fin novembre, Paolo Giacometti et moi-même enregistrerons pour la troisième fois l’Arpeggione de Schubert, mais ce sera la première fois sur Steinway et Guadagnini avec cordes en métal (les deux premiers enregistrements étaient sur instruments et cordes d’époque).

Quelle fut l’inspiration derrière ce projet ambitieux ?

La musique de Schubert et Brahms est trop belle pour être ignorée. Et même si elle est écrite parfois pour d’autres instruments, cela ne devrait pas nous limiter. En réalité, Schubert, n’a rien écrit pour violoncelle et il faut savoir que la publication de la Sonate pour Arpeggione et son arrangement subséquent pour violoncelle sont tous les deux posthumes. Et pourtant, c’est une œuvre-phare de notre répertoire !

L’origine même de ce projet farfelu vient d’un coup de foudre musical dès mon adolescence : la Fantaisie pour violon et piano. Comme j’étais certain que cette œuvre serait un ajout fantastique à mon répertoire, tout jeune, j’ai suivi mon instinct ! Et, bien évidemment, pourquoi s’arrêter là ? Par la suite, j’ai ajouté petit à petit d’autres œuvres de Schubert et Brahms à mon répertoire, à les enregistrer, et plusieurs œuvres de cette collection figurent déjà dans ma discographie. Cette intégrale, c’est donc l’aboutissement d’un travail de longue date. Et il est possible que, dans le futur, on édite les œuvres complètes des compositeurs dans des coffrets séparés. J’y rédigerais probablement les textes de présentation moi-même. À ce moment-là, on pourra vraiment considérer le projet comme abouti.

Comment avez-vous abordé les arrangements ? Avez-vous dû altérer le texte original ?

Non, non, pas du tout. Mis à part quelques minuscules changements de registre, j’ai tout simplement joué les notes écrites sur la partition ! Prenons l’exemple de la 1ère Sonate en Sol Majeur pour violon de Brahms -depuis l’arrangement de Paul Klengel, elle est régulièrement jouée par les violoncellistes. Mais Klengel transpose l’original une quinte plus haut : au lieu de Sol Majeur, l’arrangement est en Ré Majeur. J’ai déjà enregistré cette version à deux reprises mais, pour le double album final, j’ai choisi de rester en Sol majeur : je joue bien toutes les autres pièces dans leurs tonalités originales ! Pour ne citer qu’un seul avantage, le caractère intime du tout premier thème est conservé alors que, dans la version transposée de Klengel, il est éclatant.  

Évidemment, je ne me suis pas facilité la tâche ; j’ai dû beaucoup travailler pour arriver à jouer ces œuvres. Un travail sain et amusant, mais un travail tout de même. Cela dit, à aucun moment je n’ai  eu d’ennui stylistique, je ne me suis jamais demandé si je ne passais pas à côté des intentions musicales originales. Ce projet m’a apporté une immense satisfaction musicale et mes interprétations bénéficient maintenant d’un regard bien plus global sur les œuvres de ces deux compositeurs.

Vous parlez de défis : quels seront vos prochains grands projets ?

D’abord, intégrer le Rondo pour violon de Schubert dans mes programmes de concert ! Je voudrais jouer toutes ces œuvres en concert au cours des prochaines années. Il serait idiot de se limiter à l’enregistrement ! J’ai aussi l’intention de me concentrer sur la musique des compositeurs d’après-guerre : Roslavets, Tcherepnin, Weinberg… Et je rêve depuis longtemps d’enregistrer le Concerto pour violoncelle de Samuel Barber…  

Crédit photographique : Caroline Sikkink

Propos recueillis et traduits de l’anglais par Pierre Fontenelle, Reporter de l’IMEP, le dimanche 14 octobre 2018

 

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