Retour gagnant de Boreyko à l’ONB

par

© Marcel Grubenmann

Alexandre Tansman (1897-1986), Stèle in memoriam Igor Stravinsky – Franz Liszt (1811-1886), Concerto pour piano et orchestre n°2 en la majeur – Igor Stravinsky (1882-1971), L’oiseau de feu, suite (1945).
Orchestre National de Belgique, Andrey Boreyko, direction – Mateusz Borowiak, piano
Après l’incroyable soirée proposée par le Koninklijk Concertgebouworkest, l’Orchestre National de Belgique et son directeur musical, Andrey Boreyko n'ont pas démérité. Débutant par Stèle in memoriam Igor Stravinsky de Tansman, l’auditeur entre directement dans un monde étrange et sensible. Trois mouvements, deux lents et un rapide au centre. En hommage à Stravinsky, on y décèle quelques notions chères à ce dernier : le rythme et les lignes mélodiques de grande structure. Boreyko est à l’aise dans cette partition qu’il dirige pour la première fois. Sa battue est claire, énergique pour le second mouvement et expressive pour les passages colorés. Véritable effort pour obtenir des jeux de résonances grâce notamment au célesta ou au piano qui n’hésitent pas à tenir la pédale. Véritable maîtrise des pupitres dans le second mouvement caractérisé par un effet de révolte. Les cuivres sont plus puissants et présents tandis que les percussions ont omniprésentes. Saluons d’ailleurs ces percussionnistes dont la grande capacité d’adaptation dans cette œuvre est remarquable. Avec quelques chinoiseries, le dernier mouvement débute avec une suite de pizz expressifs et se déroule comme une berceuse, une sorte de lamento d’adieu à Stravinsky. Les cordes bénéficient d’une battue souple dans les passages aigus redoutables et offrent alors une phrase chaleureuse plus qu’académique.
Arrive ensuite le Concerto pour piano et orchestre n°2 de Liszt. Mateusz Borowiak revient sur la scène du Palais des Beaux-Arts, après son troisième prix au Concours Reine Elisabeth, avec la même fougue qu’en mai. Débutant par des arpèges, il montre son aptitude à dominer. Il est soliste et l’orchestre lui amboîte aisément le pas. Le jeu est subtil dans les passages calmes tandis qu’il déborde d’énergie dans les pages dynamiques, notamment après la première cadence. L’orchestre, surtout les cordes, répond avec précision et violence, offrant un ensemble homogène. Magnifique dialogue avec le violoncelle solo dans la troisième partie. Boreyko est à l’écoute du pianiste et le suit facilement dans ses dynamiques. En bis, Borowiak joue avec ferveur et aisance la 5ème Valse de Chopin.
La suite de 1945 de L’Oiseau de feu de Stravinsky termine le concert. L’ambiance sourde, feutrée et mystérieuse de l’introduction nous immerge d'emblée dans des images de terreur, d’angoisse. Et chaque volet de la suite parviendra faire surgir ces impressions. Excellente technique des bois pour la variation de l’oiseau. Rythmiquement complexe, cette partie est un dialogue et l’ONB en propose une lecture excellente. Le reste de la partition suivra cette directive, notamment dans le Pas de deux où l’expressivité du legato des bois sera délicate grâce au soutien de la harpe. Très belle direction du Scherzo pour lequel le chef esquisse un pas de danse pour imager ce passage désinvolte. Il y a un véritable travail sur les dynamiques et sur les plans sonores. Boreyko contrôle de sa main gauche chaque phrase, chaque mélodie, laissant à celle-ci la liberté de chanter. La Danse infernale est rythmique et dosée. La difficulté du contretemps est maîtrisée tandis que les archets parviennent à jouer dans la vitesse les dynamiques sollicitées par Stravinsky. Après un passage envoûtant du basson solo, l’amour apparaît dans les envolées lyriques des cordes et de la harpe. Boreyko développe par sa battue un véritable d’expressivité sans rentrer dans le pathos habituel. Tout naturellement, l’Hymne final termine le concert en beauté, hymne où les changements de mesures et de tempos ne perturbent personne.
Le premier programme de Boreyko à l’ONB cette saison démontre la richesse de son travail et sa capacité d’écoute. Nous avions déjà apprécié le programme Wagner, Strauss et Hindemith du mois de septembre. Le concert de ce soir confirme que l’ONB est en de bonnes mains.
Ayrton Desimpelaere
Bruxelles, Bozar, le 20 octobre 2013

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