Rossini, la verve et la joie incarnées. Mais où étaient-elles ?

par

A Liège
L’Italiana in Algeri de Rossini
Après Il Barbiere di Siviglia et avec La Cenerentola, cette Italiana in Algeri constitue le fleuron absolu du Rossini buffa. Alors que notre époque, depuis les années 1970, redécouvre avec passion le versant seria de l’inspiration du Maître de Pesaro, il est bon de retrouver une de ces merveilles d’esprit pétillant qui a fait si longtemps la gloire de Rossini. Ces trois chefs-d’oeuvre ont maintenu son nom à travers vents et marées, et ont longtemps représenté pour la postérité la verve unique de la musique italienne, conjointement avec Il Matrimonio segreto de Cimarosa, ou Don Pasquale et L’Elisir d’amore de Donizetti. D’innombrables productions ont attesté cette célébrité, méritée autant par un livret facile et en or, que par une musique d’une irrésistible vivacité. Et c’est ici que le bât blessa cruellement à Liège. La célèbre ouverture, déjà, très mollassonne, faisait craindre le pire. Quoi ? Voilà tout ce que Bruno Campanella, pourtant habitué du répertoire, en a tiré ? La suite devait hélas l’affirmer. Certes, tout était bien mis en place, il n’y a eu aucun couac entre la scène et la fosse, et le chef soutenait bien ses chanteurs. Mais où était la verve, la folie, l’amusement surtout, de cette folle aventure au royaume du Bey d’Alger ? Heureusement, celui-ci (Carlo Lepore) après un premier échauffement, a parfaitement tenu son rôle en tant que pilier de la comédie ambiante. Bravo aussi à Mario Cassi : son Taddeo était superbement caractérisé et chanté. Eux s’amusaient vraiment, et le public les a par ailleurs bien applaudis. Mention aussi à l’Haly de Laurent Kubla, brillant dans son unique air, et à l’Elvire charmante et aux aigus percutants de Liesbeth Devos. Par contre, le couple central a déçu. Sans doute, Daniele Zanfardino avait-il les aigus de Lindoro, et son grand air “Languir per una bella” a-t-il été joliment détaillé, mais il a manqué d’endurance et surtout d’envergure. Le personnage est bien plus qu’un amant falot et tout l’aspect purement théâtral de l’argument semblait lui échapper complètement. Quant à l’Isabelle de l’albanaise Enkelejda Shkosa, très belle voix de mezzo pourtant, elle manquait cruellement de l’abattage inhérent à son rôle-pivot de l’action. En réalité, ces solistes, plutôt excellents, ont pâti d’une absence totale de direction d’acteurs. Presque tous laissés à eux-mêmes, ils ont fait, tous comme les choeurs, ce qu’ils pouvaient, mais pas plus. Le finale du premier acte, d’une alacrité inégalée chez Rossini, avec ses incroyables onomatopées, a laissé de glace, tous les protagonistes chantant droit devant, raides comme des piquets face au public, et tapotant chacun un peu bêtement un petit ballon rouge. Car de mise en scène, pour une fois, il n’y en avait quasiment pas, à peine une mise en place (Emilio Sagi). On conservera un beau souvenir de certains costumes bariolés de Renata Schussheim et surtout d’admirables éclairages de Eduardo Bravo, dont les teintes noir et blanc, rouge vif, ensuite, puis bleues et turquoises, remplaçaient un décor inexistant. La grande scène des Papatacci avec ses spaghettis en laine touchait au grotesque  ; et le finale de l’opéra, avec ses choeurs costumés en équipe de foot aux couleurs italiennes, était navrant. Une production qui ne restera vraiment pas dans la mémoire.
Bruno Peeters
Liège, Opéra Royal de Wallonie, le 20 janvier 2013

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