Sacré Sacre !

par
Stravinsky Chailly

Igor STRAVINSKY
(1882 – 1971)
Chant Funèbre op.5 - Feu d’Artifice op.4 - Scherzo Fantastique op.3 - Le Faune et La Bergère op.2 - Le Sacre du Printemps
Orchestre du Festival de Lucerne, dir. Riccardo Chailly, Sophie Koch, mezzo-soprano
2017 DDD 70’19 Livret anglais, allemand, français CD Decca 483 2562

Claude DEBUSSY
(1862 – 1918)
Printemps
Serge RACHMANINOV
(1873 – 1943)
Vesna op.20
Igor STRAVINSKY 
Le Sacre du Printemps
Orchestre Royal Philharmonique et chœur de Liverpool, dir. Vasily Petrenko - Rodion Pogassov, baryton
2017 DDD 66’53 Livret anglais, allemand, français CD Onyx 4182

Claude DEBUSSY 
La Mer 
Igor STRAVINSKY
Le Sacre du Printemps.
Arrangements pour piano solo de Lucien Garbon et Vladimir Leyetchkiss
Ralph van Raat, piano
2018 DDD 58’09 Livret anglais CD Naxos 8. 573576

C’est un événement : on a retrouvé une œuvre inédite de Stravinsky, fait rarissime, le Chant Funèbre op.5. On connaissait son existence parce qu’il en parlait dans ses mémoires, mais cette fois, on peut enfin l’écouter en première mondiale, puisque le grand chef Riccardo Chailly vient de l’enregistrer pour Decca. Ce Chant Funèbre fut composé pour les funérailles de son maître Rimsky Korsakov. Force est de constater que, sans mauvais jeu de mot, ce chant funèbre n’est pas immortel. Le jeune Stravinsky est encore à la recherche de son langage personnel, et son opus 5 est, sur ce CD, présenté avec les trois opus qui le précèdent : Le Faune et La Bergère op.2, le Scherzo Fantastique op.3, et Feu d’Artifice op.4, autant de voies à la recherche de sa vraie personnalité. Toutes ces œuvres de jeunesse sont cependant interprétées de main de maître. Riccardo Chailly a beaucoup enregistré Stravinsky dans le passé, dont, bien sûr, Le Sacre du Printemps (avec Cleveland en 1987). En voici une nouvelle version, cette fois avec l’orchestre du Festival de Lucerne qui, on le sait, est un orchestre occasionnel composé de musiciens provenant de plusieurs orchestres, sous la tutelle de Claudio Abbado, aujourd’hui disparu. L’importance de cette œuvre est bien connue, l’une des plus emblématiques du 20e siècle (c’est tout simplement le début de la musique moderne), mais aussi l’une des plus extraordinaires que l’on ait jamais composée. Tous les éléments de la grammaire musicale sont repensés : par exemple, les mélodies sont remplacées par une série de motifs enchevêtrés et tournant rythmiquement autour de quelques notes, comme les mélodies populaires russes. Formidable machine au service du rythme (c’est nouveau à cette époque), ce gigantesque chahut, un chaos sonore apparent, est d’une force réellement envoûtante. Il est d’ailleurs déconseillé de l’écouter avant d’aller dormir. On a beau connaître cette œuvre par cœur, chaque écoute révèle de nouveaux détails. Et c’est certainement le cas avec ce nouvel enregistrement de Chailly, qui se classe d’emblée parmi les toutes bonnes versions parmi lesquelles on trouve entre autres Fricsay, Boulez, Markevitch, Salonen, et, n’en déplaise à certains (dont Stravinsky lui-même), Karajan 1. Dans cette nouvelle version, on apprécie particulièrement la Glorification de l’élue qu’on a rarement entendu si incisive, et la Danse sacrale dont les accents rythmiques sont si bien rendus. Cette nouvelle version est encore meilleure (et mieux enregistrée) que la première.

Mais voici qu’au même moment paraît chez Onyx la version de Vasily Petrenko (à ne pas confondre avec Kyrill, en passe de succéder à Rattle à Berlin), un chef célébré pour son intégrale des symphonies de Chostakovich chez Naxos. Comparée à Chailly, la version de Petrenko est plutôt décevante, car elle donne l’impression d’être dirigée « à la grosse louche », et souvent trop rapidement. L’introduction de la seconde partie me fait souvent penser à Takemitsu, particulièrement à sa musique pour le film Ran de Kurozawa, mais pas ici, car elle est trop rapide. A propos du fameux scandale de mai 1913, il faut absolument préciser qu’il visait surtout la chorégraphie de Nijinsky, grotesque il est vrai (une reconstitution filmée existe), plus que la musique elle-même, souvent inaudible ce soir-là, à cause du chahut dans la salle. Sur le même disque Onyx, bonne idée, deux autres œuvres sur le thème du printemps y figurent : une Suite en deux mouvements du jeune Debussy composée à la villa Medicis, une œuvre encore influencée par Wagner, dix ans avant son fameux Prélude à l’Après-midi d’un Faune, une œuvre qui débute par un solo de flûte, comme ce Printemps. Ce n’est pas encore du tout grand Debussy, même si tous les éléments de son langage y sont déjà. Ensuite la cantate Vesna (ce qui signifie printemps) de Rachmaninov, une œuvre rare au disque. Composée en 1902, c’est sa première œuvre chorale importante. Comme pour Debussy et Stravinsky, l’interprétation est correcte, mais pas transcendante.
Mais revenons au Sacre. Il existe une version pour deux pianos, de la main même de Stravinsky. Plusieurs enregistrements existent (Argerich/Barenboim par exemple, DG). Mais voici une réduction pour un seul piano réalisée en 1985 par Vladimir Leyetchkiss. C’est plutôt convainquant, même s’il n’est pas possible de rendre toutes les parties. Réduction est donc le mot qui convient. Le néerlandais Ralph van Raat est un habitué des musiques du 20e siècle qu’il enseigne au conservatoire d’Amsterdam. Ses précédents disques monographiques pour Naxos sont consacrés à Koechlin, Pärt, Tavener et Gavin Bryars. Sur le présent enregistrement, il y a aussi une réduction de La Mer de Debussy, dans un arrangement de Lucien Garban de 1938, un ami du compositeur, qui, pour ce faire, a pris comme modèle les Images pour piano, ce qui explique la grande réussite de sa transcription.
Joker pour Riccardo Chailly !
Dominique Lawalrée

Decca : Son 10 Livret 10 Répertoire 10 Interprétation 10

Onyx : Son 9 Livret 8 Répertoire 8 Interprétation 7

Naxos : Son 10 Livret 5 Répertoire 9 Interprétation 9

 

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