Schönberg et la Société de concerts privés

par

Anton BRUCKNER 
(1824-1896)
Symphonie n°7 (arr. Eisler / Stein / Rankl)
Claude DEBUSSY
(1862-1918)
Prélude à l’après-midi d’un faune (arr. Sachs)
Ferrucio BUSONI
(1866-1924)
Berceuse élégiaque Op.42 (arr. Stein)
Gruppo Montebello, dir.: Henk Guittard
2015-DDD-77’3-Textes de présentation en anglais, français et allemand-Etcetera-KTC1483

En 1918, Schönberg fonde à Vienne la Verein für musikalische Privataufführungen (Société de concerts privés). Son but ? Promouvoir la musique contemporaine de manière privée et hebdomadaire, en réponse aux critiques et scandales vécus par les uns et les autres. Composé de 19 membres, étudiants et amis de Schönberg, l’objectif de la société est « d’offrir aux artistes et aux amateurs d’art une connaissance réelle et précise de la musique contemporaine ». La critique n’y avait logiquement pas sa place tandis que les programmes étaient tenus secrets jusqu’au soir du concert. Ainsi, on retrouvait comme « maîtres chargés des exécutions musicales », dont la minutie et l’exigence étaient demandées, Berg, Webern, Stern, Steuermann et Sachs. Au programme : des lieder, pièces pour piano, pièces de musique de chambre et œuvres chorales et orchestrales de Mahler à Reger en passant par Debussy et Strauss. Le défi fut alors, malgré des ressources financières peu élevées, d’aborder le répertoire symphonique sous une forme réduite tout en donnant une lecture la plus proche possible du texte original. Le travail de l’arrangeur, propre à Schönberg, consistait à garder dans la mesure du possible les parties de cordes et vents, et attribuer au piano et à l’harmonium les parties restantes. 17 pièces furent ainsi arrangées dont six jouées à l’époque : Lieder eines fahrenden Gesellen et la Symphonie n°4 de Mahler, la Suite romantique op. 125 de Reger, les Cinq pièces op. 16 de Schonberg, les Pièces op. 6 et 10 de Webern. Ce n’est que vers 1970 que certains collectifs s’approprièrent ce catalogue, notamment l’Ensemble Schönberg, ensemble composé d’étudiants du Conservatoire de La Haye, qui dès 1980 a passé commande auprès de compositeurs pour amplifier ce répertoire. Tout en souhaitant rester fidèle au texte, Guittart s’est permis une révision complète par quelques corrections et/ou modifications dans le choix de l’instrumentation, comme l’ajout de la flûte dans la Symphonie n°7 de Bruckner, initialement jouée par l’harmonium. Si il manque inévitablement de masse orchestrale dans cette pièce, l’articulation du matériau sonore dans son arrangement et la conduite générale des mouvements sont appréciées. Guittart dirige l’ensemble avec finesse et ne se laisse pas étouffer par l’étendue du discours. Le Prélude à l’après-midi d’un faune, par sa fluidité et sa légèreté, convient parfaitement à ce type d’arrangement, effectué ici par Benn Sachs. Enfin, la Berceuse élégiaque de Busoni est arrangée par Stein, version qui aujourd’hui est souvent préférée à l’originale. Ce disque sera donc l’occasion de découvrir une musique orchestrale aux effectifs impressionnants sous une version réduite qui, comme le démontrent les nombreuses qualités musicales de l’ensemble, met davantage en avant l’expression individuelle des musiciens, non pas au détriment des couleurs et des effets.
Ayrton Desimpelaere

Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 9

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