Schumann sur trois pianos

par

Robert Schumann (1810 - 1856)
Kreisleriana opus 16 - Fantaisie opus 17 

Pierre Bouyer sur 3 pianoforte différents (Érard 1837) - (Streicher 1856) - (Fazioli 1995)
2013 - Disque 1  60'27'' - Disque 2  60'38'' - Disque 3  60'29" - Notice en Français Diligence

Ce coffret s'adresse à un public très large. Aux amoureux de Schumann, aux inconditionnels de ces deux oeuvres phares du compositeur, aux mélomanes intéressés par les interprétations sur instruments d'époques et surtout aux passionnés d'écoutes comparatives. Pierre Bouyer, l'un des précurseurs de la redécouverte du pianoforte en France a eu la riche d'idée d'enregistrer deux grandes oeuvres de Schumann sur trois pianos complètement différents. Un pianoforte Érard datant de près de la composition des oeuvres (1837), un Streicher de 1856, l'année de mort de Schumann et un Fazioli de 1995, piano moderne par excellence. De plus Pierre Bouyer nous propose trois versions des Kreisleriana :la première, la révision quelques années plus tard et une version qui mélange les deux. Autant d'éléments qui permettent de pousser très loin son interprétation et son approche différente pour chaque instrument. Ce beau coffret métallisé offre également trois petits livrets écrits par le pianiste racontant la genèse de ce projet, l'histoire des oeuvres et une explication complète des diverses possibilités de ces trois pianos. Bref, Pierre Bouyer connaît son sujet sur le bout des doigts… Il est intéressant de remarquer que chacun de ces trois disques pourrait faire l'objet d'une vente séparée tant leur qualité intrinsèque est remarquable. La première version des Kreisleriana sur piano Érard nous montre bien à quel point Bouyer est à l'aise sur ce type de pianoforte. D'ailleurs, c'est un piano de sa collection particulière. Il le connaît à fond et réussit à en faire ressortir toutes les richesses harmoniques, chose plus difficile sur un piano moderne. La différence est frappante. Quelles couleurs dans ce piano Érard qui bien sûr n'a pas la puissance du Fazioli ni son homogénéité… Comme il le dit bien, le progrès fait que l'on gagne sur un plan mais que l'on perd sur un autre. Le jeu de Bouyer est plus spontané dans le Érard, plus improvisé, ce qui convient parfaitement pour ces deux pièces de Schumann. Paradoxalement on le sent plus à l'étroit sur le Fazioli même si tout y est. Non pas qu'il manquerait de puissance ou autre mais peut-être a-t-il plus l'habitude d'exploiter toutes les possibilités de pianos plus anciens. La version sur le Streicher de 1856 gagne en puissance par rapport au Érard mais perd en qualité sonore, le son se fait plus sec, moins chatoyant. Le jeu  et l'interprétation de Bouyer sont toujours d'une très grande qualité et d'un grand respect du texte. On sent qu'il ne s'est pas lancé dans ce périple sans s'être renseigné sur les diverses interprétations du passé et même d'aujourd'hui. La lecture du livret le confirme. Bouyer s'est confronté aux grandes versions du passé (Horowitz, Arrau, Cortot, Gieseking…) et peut sans fausse modestie se dire que "ses" versions peuvent figurer aux côtés des plus grands grâce aux qualités intègres de son jeu et à l'intéressant projet de confronter ces oeuvres intemporelles sur trois pianos différents. Enfin, Pierre Bouyer, on s'en rendra à l'écoute de ces trois disques (attention aux oreilles sensibles aux diapasons !), fait partie de ces pianistes qui ne cristallisent pas une interprétation et possèdent un jeu vivant sans cesse en renouvellement.

François Mardirossian

Son 9 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 9
 

 

 

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