Semyon Bychkov éblouissant dans Richard Strauss

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Emily Magee en impératrice © ROH

Pour célébrer le 150e anniversaire de Richard Strauss, le Royal Opera de Londres a mis cette saison « Elektra », « Die Frau ohne Schatten » et « Ariadne auf Naxos » à l’affiche. Pour « Die Frau ohne Schatten » (La femme sans ombre) qui n’avait plus été représenté depuis 2001, le Royal Opera a opté pour une coproduction avec la Scala de Milan dans une mise en scène de l’Allemand Claus Guth. La direction musicale a été confiée au chef Russe Semyon Bychkov qui fut le grand triomphateur de la soirée. La riche partition de Strauss, multicolore et raffinée, regorgeant de merveilles orchestrales et pleine d’atmosphère résonnait dans toute sa splendeur, confrontant le monde des esprits avec celui des hommes de façon expressive et souvent émouvante grâce à l’excellent orchestre du Royal Opera et ses solistes virtuoses.
Grâce aussi à la distribution de haut niveau dominée par la Nourrice démoniaque de Michaela Schuster à la voix de mezzo ample et expressive. Emily Magee prêtait son soprano solide à l’Impératrice dont la tessiture vocale ne l’intimidait pas mais ne réussit pas vraiment à émouvoir. La Femme de Barak trouvait une interprète idéale dans Elena Pankratova, intense et dotée d’une voix puissante et bien projetée. Johan Botha est encore un Empereur vocalement convaincant grâce à son ténor qui se joue des difficultés du rôle. Johan Reuter campait un Barak très humain et chantait d’une voix chaude et une projection du texte remarquable. Tous les autres rôles étaient bien tenus et l’ensemble homogène s’intégrait bien dans la mise en scène, le maillon le plus faible de la représentation.
Pas de monde féerique ou légendaire pour Claus Guth qui situe l’action dans un huis clos (sanatorium, hôpital ?) où apparemment l’Impératrice en proie à des angoisses et cauchemars est soignée. La période est fin du 19e siècle, le décor une vaste salle incurvée aux murs de bois foncé qui pivotent habilement pour évoquer les différents lieux de l’action. Rien de pittoresque, presque pas de meubles ou d’accessoires mais des figurants aux ailes noires qui représentent les esprits maléfiques. Le faucon de l’Empereur et la gazelle qui cachait l’Impératrice sont là aussi, personnages aux têtes d’animaux et même Keikobad se glisse parmi eux, paré de bois impressionnants. Mais tout cela ne rend pas l’intrigue et le symbolisme du livret de Hugo von Hofmannsthal plus clairs ou lisibles et on frise parfois le ridicule. Mais à la fin l’Impératrice -qui jusque là projetait sur les murs l'ombre qu’elle n’en a pas- se retrouve dans son lit, apaisée. Et Semyon Bychkov et l’orchestre nous enveloppent une dernière fois dans le merveilleux monde sonore de cette ‘Frau ohne Schatten ‘.
Erna Metdepenninghen
Londres, Royal Opera, le 2 avril 2014

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