Severin von Eckardstein et ses amis

par

Franziska Hölscher (violon), Nils Mönkemeyer (alto), Danjulo Ishizaka (violoncelle), Severin von Eckardstein (piano)
Wolfgang Amadeus Mozart : Quatuor avec piano KV 478 - Antonin Dvorak : Quatuor avec piano op. 87 - Johannes Brahms : Quatuor pour piano et cordes n° 3 op. 60

Quoi de mieux que de s'entourer d'amis pour faire de la musique de chambre ? Et quoi de mieux que quatre musiciens exceptionnels réunis autour de trois chefs-d'oeuvres ? Le programme choisi était fort alléchant et bien construit. Les musiciens ont commencé par le magnifique Quatuor avec piano de Mozart en sol mineur (tonalité fort peu usitée chez Mozart) pour poursuivre avec celui de Dvorak qui fut, si l'on en croit le compositeur, écrit en seulement trois jours. Le concert se termina avec le troisième quatuor pour piano et cordes de Brahms, oeuvre pleine de tourments et de passion. Le public belge se souvient bien évidemment de von Eckardstein (Concours Reine Elisabeth 2003) mais ce soir il a pu le découvrir en chambriste de tout premier plan. Dès les premières notes de Mozart, on a pu se rendre compte de l'intelligence du jeu d' Eckardstein. Son jeu allie à la fois une grande simplicité, un son ultra soigné mais sans afféterie et un sens du discours très naturel. On connaît les affinités du pianiste pour la musique de Messaien, Medtner, Brahms et Scriabin et c'est avec une agréable plaisir qu'on l'a senti aussi à l'aise dans Mozart que dans ses compositeurs de prédilection. Mais la réussite de ce concert tient aussi au fait que Severin von Eckardstein s'est entouré de musiciens de grands talents. Tous issus d'Allemagne, on a pu apprécier l'aisance qu'ils ont§ à jouer ensemble, à respirer ensemble et à se répondre musicalement. Les concerts de musique de chambre où, d'emblée, on sent que les musiciens pensent de la même manière et s'expriment tous intensément ne sont pas si fréquents. Le mouvement lent du Quatuor de Mozart est bouleversant de simplicité et de finesse. Dans les mouvements lents de Mozart, le danger est double : soit on en fait trop et on perd de l'intensité, soit on joue la sobriété et on risque de passer à côté de la musique. Eckardstein et ses amis ont su trouver le ton juste et le son adéquat. Le piano d' Eckardstein chante en permanence, même dans rôle d'accompagnant. Dans le Quatuor avec piano de Dvorak, on sent que son jeu change, le son s'adapte au style du compositeur, il aborde le clavier de manière différente et les cordes font de même, offrant alors un contraste encore plus grand. Passer de Mozart à Dvorak se en douceur, et tout est cohérent. On a découvert un Eckardstein au son puissant, tellurique et très virtuose sans en avoir l’air.. C'est fascinant chez ce pianiste : tout paraît simple quand il joue. C'est bien au-delà d'une maîtrise académique : Severin von Eckardstein dispose de ce qui ne s'apprend pas. La musique lui est naturelle et le piano n'est que l' instrument qu'il a choisi pour nous la transmettre. Le concert s'est terminé sur le Troisième Quatuor pour piano et cordes de Brahms. Ce fut, du début à la fin, d'une grande intensité et d'une belle homogénéité de son. Cet ensemble est vraiment naturel, fait pour jouer ensemble. Le violoncelliste Danjulo Ishizaka a fait de ce troisième mouvement un beau moment musical. Il régnait dans la Grande Salle un silence de plomb, le public attentif retenait son souffle. Un concert bouleversant : le plaisir de découvrir trois musiciens allemands sensibles à fleur de peau mêlé à celui de réentendre von Eckardstein, un des plus nobles pianistes lauréats du Concours Reine Elisabeth.
François Mardirossian
Bruxelles, Conservatoire, le 3 février 2014

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