Sexe, Magie, Ensorcellement, pour une Alcina d'aujourd'hui

par
Alcina

George Frideric HAENDEL
Alcina
Patricia Petibon (Alcina), Philippe Jaroussky (Ruggiero), Anna Prohaska (Morgana), Katarina Bradic (Bradamante), Anthony Gregory (Oronte), Krzysztof Baczyk (Melisso), Elias Mädler (Oberto) et les acteurs Juliet Alderdice (Alcina âgée), Jane Thorne (Morgana âgées), Ian Hallard (père d'Oberto et serviteur), Zoé Aldrich, Josephine Arden, Sarah Northgrave et Anna Martine (servantes), Choeur MusicAeterna (Choeur de l'opéra de Perm), dir.: Vitaly Polonsky, Freiburger Barockorchester, dir.: Andrea Marcon. Mise en scène : Katie Mitchell
2 DVD-187'-Synopsis en anglais, français, allemand-Warner Classics/Erato 0190295974367

Filmé au festival d'Aix-en-Provence en juillet 2015 sous la direction de Corentin Leconte, cette nouvelle production du festival français en coproduction avec le Théâtre du Bolchoï a marqué l'année 2015 par la modernité du propos, une vérité crue et mise à nu loin des codes de l'opéra baroque. Le propos, inspiré de l'Orlando furioso de Ludovico Ariosto, fait vivre le drame du vieillissement sans possible retour. Pour conjurer leur sort, Alcina et Morgane, sa soeur, attirent sur leur île de jeunes amants, objets sexuels que, par leurs pouvoirs magiques, elles transforment en animaux empaillés ou cadavres ou autres destinées mystérieuses pour ne pas les avoir fait jouir. Mais voilà que se présente Ruggiero... et Alcina en tombe amoureuse (comment ne pas succomber à Philippe Jaroussky ?)... C'est sans compter que Ruggiero est l'amant de Bradamante, prête à tout pour retrouver son héros. Pour décor, un château en trompe-l'oeil d'où se détache une pièce centrale, lumineuse et bourgeoise, où domine un lit, lieu des ébats d'Alcina, Morgane, Ruggiero et de ses prédécesseurs. Attenant à ce lieu "public", deux pièces sombres telles des bunkers, et, à l'étage, ce qui reste des amants, une machine infernale, des fioles, potions magiques, vitrines, fouets,... La metteuse en scène britannique ne craint pas de braver les traditions, et ce risque, elle l'assume totalement en complicité avec ses chanteurs; c'est un des grands atouts de cette production. L'autre grand atout est l'utilisation de discrets subterfuges visant à créer les émotions fortes, comme cette mise en miroir des fantasmes de jeunesse et des sorcières que sont devenues les deux soeurs par la présence d'actrices sur le plateau. Et celui-ci est confondant de beauté vocale et dramatique -tous confondus- sous la direction élégante et inspirée d'Andrea Marcon à la tête du Freiburger Barockorchester.
Un grand moment de jouissance musicale et visuelle.
Bernadette Beyne

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