Strauss et Zemlinsky réunis au disque

par
Krivine

Richard STRAUSS
(1864 - 1949)
Till Eulenspiegels lustige streiche, op. 28
Alexander von ZEMLINSKY
(1871 - 1942)
Die Seejungfrau
Orchestre Philharmonique du Luxembourg, Emmanuel Krivine, direction
2016-DDD-60’46-Textes de présentation en français, anglais et allemand-Alpha 236

Lorsqu’on écoute un poème symphonique de Richard Strauss, on est toujours dans l’attente de découvrir ou redécouvrir des détails qui nous auraient échappés lors d’écoutes passées. Aborder ce répertoire, c’est d’abord pour un chef être capable d’assumer un flot de notes et d’indications tout en construisant une narration et les atmosphères qui la relient, et finalement imposer sa personnalité. Après Mort et Transfiguration qui lui assure une haute renommée, Richard Strauss s’essaye à l’opéra avec Guntram (1894). L’échec est cuisant et les futurs projets d’opéras sont vite mis de côté (il faudra attendre 1905 pour entendre Salome). D’abord destiné à la scène, le héros Till devient un poème symphonique - l’un des plus populaires du répertoire - un genre que Liszt a entretenu et développé bien plus tôt. En 1901, un an après le succès de l’opéra Es war einmal dirigé par Mahler, Alexander von Zemlinsky assiste, en compagnie de Schönberg, à un concert de Richard Strauss où Till et la création d’Une vie de héros sont donnés. L’admiration est immédiate pour les deux jeunes compositeurs qui décident de se mettre à l’écriture d’un poème chacun. De cette rencontre naissent deux œuvres le 25 janvier 1905 : Die Seejungfrau (Zemlinsky) et Pelléas et Mélisande (Schönberg). Si la première triomphe, l’œuvre du compositeur du Pierrot lunaire subit nombre de critiques.
A la tête de l’Orchestre Philarmonique du Luxembourg dont il fut directeur jusqu’en 2015, Emmanuel Krivine surprend par sa lecture vivifiante de Till Eulenspiegel, œuvre qu’il semble maîtriser comme peu de chefs y parviennent. S’appuyant sur un orchestre solide et vraisemblablement très bien préparé, Krivine distille en moins de quinze minutes un vrai travail d’orfèvre, que ce soit dans les dynamiques, les couleurs, les atmosphères, la balance, la conception des tempi et leurs variations, les points de culmination... Till, c’est aussi l’occasion d’entendre les soli de l’orchestre, à commencer par le magnifique cor de Leo Halsdorf dont le jeu précis et délicat présente un héros tantôt dansant, tantôt malicieux. Cette palette de contrastes et de détails se retrouve également chez Zemlinsky que le chef maîtrise avec assurance d’un bout à l’autre des trois parties. Si Strauss semble être le résultat d’un travail abouti et d’une longue réflexion basée notamment sur la maturité et l’expérience, Zemlinsky – œuvre finalement rarement jouée - ne manque pas de vivacité et de fraîcheur (même si l’on perçoit un peu de retenue) et peut se placer aisément au répertoire de l’orchestre. Après Bartók, Emmanuel Krivine démontre avec cet enregistrement la talent qui le caractérise, tant dans l’agencement des masses que dans les couleurs et l’énergie débordante qu’il communique avec passion, de quoi présager de belles productions à Paris. Du très bel orchestre pour deux œuvres magnifiques.
Ayrton Desimpelaere

Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 9

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