Superbe intégrale de l’oeuvre pour violoncelle et piano de Beethoven

par

JOKERLudwig van BEETHOVEN
(1770-1827)
Intégrale de l’oeuvre pour violoncelle et piano
Xavier Phillips (violoncelle), François-Frédéric Guy (piano)
2015-DDD-2 CD-128’16-Textes de présentation en français et anglais- Evidence EVCD 015

Comme il l’explique lui-même très bien dans le livret qui accompagne ce nouvel enregistrement, le pianiste François-Frédéric Guy, ayant déjà enregistré avec succès l’intégrale des sonates et les cinq concertos pour piano et orchestre du maître de Bonn, poursuit son Beethoven Project en s’attaquant à présent aux oeuvres de musique de chambre avec piano de Beethoven (dont il a déjà adopté la coiffure), ce premier volet devant être encore suivi des sonates pour violon avec Tedi Papavrami et des Trios à clavier avec Papavrami toujours et le violoncelliste Xavier Phillips, partenaire du brillant pianiste français dans cette intégrale de l’oeuvre pour violoncelle et piano qui est une remarquable réussite, et certainement la référence moderne qu’on attendait dans ce répertoire.
De façon peut-être inattendue, Guy et Phillips ouvrent cette intégrale par les trois cahiers de variations qui ici - bien plus qu’un bonus- sont une véritable introduction au corpus des cinq sonates d’un genre dont Beethoven est proprement l’inventeur. Dès les premières mesures des Variations sur ‘’See, the Conqu’ring Hero Comes" du Judas Maccabée de Händel, l’auditeur est immédiatement conquis par la légèreté, le naturel et l’intelligence du jeu du pianiste (qui bénéficie en plus d’un excellent instrument, très bien réglé) et par celui du violoncelliste qui ne le lui cède en rien et obtient des sonorités somptueuses de son superbe Goffriller de 1710. Dans les Variations et les deux Sonates de l’op. 5 (encore conçues pour piano et violoncelle), Guy se joue des difficultés techniques des brillantes parties de piano avec une aisance déconcertante, mais -il est bien trop fin musicien pour cela- sans jamais écraser Phillips, qui s’affirme comme un partenaire de plein droit. Remarquons que la prise de son (excellente et signée Nicolas Bartholomée) avantage très légèrement le violoncelliste, précaution sans doute inutile avec un pianiste si respectueux de son partenaire.
Comme c’est le cas pour toutes les oeuvres de cette intégrale, les deux premières sonates sont abordées dans un style parfait, des tempos irréprochables et une parfaite entente entre les protagonistes. Pensons au Rondo final de l’op. 5 n° 1 où Guy et Phillips se livrent à un éblouissant jeu d’esprit ou au début de la Deuxième sonate, op. 5 n° 2 qui semble mystérieusement sortir du néant. On remarque ici les merveilles d’articulation et le goût des interprètes, ainsi que l’usage très subtil que Phillips fait du vibrato. Dans l’Adagio sostenuto, les musiciens adoptent un ton plus grandiose et dramatique avant de terminer sur un Rondo espiègle, où l’on admire les traits rapides toujours parfaitement nets du violoncelle.
Après la gaîté et le naturel des oeuvres de jeunesse, on passe aux choses sérieuses avec l’illustre Troisième Sonate op. 69 en la majeur, certainement l’oeuvre la plus jouée des cinq. Phillips phrase ici le début du premier mouvement avec assurance et une magnifique longueur d’archet, alors que les deux interprètes font preuve d’une classe éblouissante dans le Scherzo, avant de magnifiquement chanter le bref Adagio cantabile et d’aborder le Finale avec une irrésistible énergie.
Dans les deux Sonates de l’op. 105 (oeuvres contemporaines de la sonate Hammerklavier, pour ne citer qu’elle) où Beethoven passe à un langage plus ardu et spéculatif, Guy et Phillips se montrent idéalement à la hauteur des exigences de la musique et -comme dans l’Adagio de la dernière sonate, rendu avec une rare finesse- parviennent à rendre le mystère de la musique avec une émouvante et dépouillée simplicité. Et, comme tout au long de cette intégrale, on ne cesse de se trouver face à cette impression que ce que font ces admirables musiciens tient de l’évidence et qu’ils interprètent cette musique exactement comme elle devrait l’être, au point que piano et violoncelle en arrivent parfois à ne plus faire qu’un seul instrument.
Après cette remarquable réussite, on attend les Sonates pour violon et les Trios avec impatience!
Patrice Lieberman

Son 10 - Livret 8 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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