Mots-clé : Marco Armiliato

Turandot des grands soirs à l’Opéra de Paris

par

Il est de ces moments magiques où l’opéra est ce qu’il doit être : union des arts, poésie, chant, lumières, musique, décor. La mise en scène de Robert Wilson, créée en 2018 à Madrid et en 2021 à Paris, aurait pu ressembler à toutes celles qu’il a signées depuis plus de 50 ans. La stylisation, le raffinement esthétique (armures antiques) charment naturellement l’œil mais il se passe quelque chose de plus.

Chaque attitude, variation d’intensité lumineuse, apparition ou éloignement des protagonistes, occupant l’espace scénique dans sa triple dimension, prend un sens précis et exprime une émotion. Ce qui était moins évident il y a trois ans : la scène « joue » littéralement la partition en osmose avec l’orchestre.

A la tête d’une formation nationale très en verve, le chef Marco Armiliato, sollicité sur les scènes les plus prestigieuses, livre ici une lecture aussi limpide que vivante du testament inachevé de Puccini. D’un geste sensible, d’une battue enlevée, il s’attache à mettre en valeur les subtilités et les audaces d’une orchestration qui faisaient jubiler Ravel, tout en dessinant de grandes orbes dramatiques parfaitement conduites.

L’attention aux chanteurs atteint une telle intensité que le public, sous le coup de l’émotion, semble parfois s’arrêter de respirer. Ainsi de l’intervention de Liu (Ermonela Jaho aux « messa di voce » sur le fil de la voix) lorsqu’elle commence tout en douceur son aria du premier acte Signore ascolta puis se sacrifie au dernier.

Andrea Chénier par Jonas Kaufmann, Anja Harteros et George Petean

par

Umberto Giordano (1867-1948) : Andrea Chénier. Jonas Kaufmann (Andrea Chénier), George Petean (Carlo Gerard), Anja Harteros (Maddalena di Coigny), Rachael Wilson (Bersi), Helena Zubanovic (La Contessa di Coigny), Larissa Diadkova (Madelon), Andrea Borghini (Roucher), Johannes Kammler (Pierre Fleville), Christian Rieger (Fouquier-Tinville), Tim Kuypers, (Mathieu) ; Kevin Conners (L’Incredible). Bayerische Staatsoperchor, Stellario Fagone ; Bayerisches Staatsorchester, Marco Armiliato. Philip Stölzl, Mise en scène ;  Philip Stölzl et Heike Vollmer, Décors ; Anke Winckler, Costumes ; Michael Bauer, Lumières ; Brian Large, Réalisation vidéo. NTSC 16:9 ; Stereo et DTS 5.1. Sous titres : italien, anglais, allemand, français, japonais, coréen. DVD Toutes zones. Durée : 135mn. DVD et Blu-Ray. Bayerische Staatsoper Recordings. LC96744.

Pardon pour cette femme : « Fedora » d’Umberto Giordano à La Scala de Milan

par

A La Scala de Milan, une mise en scène judicieuse, superbement servie vocalement et musicalement, permet à la Fedora d’Umberto Giordano de révéler et de déployer toute sa splendeur méconnue.

D’Umberto Giordano (1867-1948), on connaît son Andrea Chénier. Fedora est plus rarement à l’affiche alors que, lors de sa création en novembre 1898, il a valu au jeune Enrico Caruso son premier triomphe et que Maria Callas a ressuscité/magnifié toute la richesse vocale et humaine de son héroïne à La Scala en 1956. 

Le synopsis ne manque pas d’intérêt : on a même pu considérer Fedora comme un « opéra-policier » ! Ce qui apparaît d’abord comme la vengeance légitime d’une femme, Fedora, dont on a assassiné le fiancé, va peu à peu laisser découvrir la complexité de la situation. Le coupable vite connu, Loris Ipanov, l’est-il vraiment ? Comment Fedora va-t-elle réussir à le séduire pour le punir ? Il y aura aussi de terribles effets collatéraux négatifs pour la mère et le frère de Loris. La victime n’est-elle pas alors devenue coupable ? Obtiendra-t-elle « le pardon pour cette femme » qui a tout causé… c’est-à-dire elle-même ? A quel prix ? Voilà qui tient en haleine !

Mais il est vrai que Fedora n’a pas l’unité fulgurante des œuvres-clés du répertoire lyrique, ni dans la structuration de son intrigue ni dans sa partition, qui donnent parfois l’impression de pièces emboîtées plutôt que d’épisodes conjugués et multipliés. Ceci étant dit, ses atmosphères musicales, particularisées, typées, sont chaque fois bienvenues ; elles ont leur part dans l’installation d’un climat d’ensemble qui subjugue de plus en plus le spectateur. Ainsi, par exemple, l’intervention d’un pianiste à l’acte II pour accompagner un duo important, le chant d’allure montagnarde du petit Savoyard à l’acte III, les assez longs intermèdes musicaux laissant au spectateur un temps de prise de conscience de ce qui vient de se jouer et des conséquences à venir. Quant à l’acte III, l’acte de la résolution de la tragédie, il est d’une intensité incroyable, bouleversante.

A Vérone, Zeffirelli toujours en tête d’affiche 

par

Pour sa 99e édition, le Festival des Arènes de Vérone renoue avec la dimension spectaculaire qui a fait sa gloire en reprenant quatre des productions de Franco Zeffirelli. La saison 2022 s’est donc ouverte avec Carmen dont il avait présenté une première réalisation en juillet 1995, reprise six fois et remaniée en 2009. Aujourd’hui, divers cartons de la version originale non utilisés sont élaborés afin d’enrichir le coup d’œil sur la place de Séville et le paysage montagneux du troisième acte. Stefano Trespidi, proche collaborateur du régisseur disparu en juin 2019, se soucie en premier lieu de la fluidité de l’action en réduisant à une vingtaine de minutes tout changement de tableau, alors qu’est déployée, à l’avant-scène, une série de paravents de tulle coloré à la tzigane. 

Dès les premières mesures de l’Ouverture, interviennent les danseurs de la Compagnie Antonio Gades qui occupent les deux avant-scènes latérales en imposant leur présence jusqu’à la fin de la Habanera pour reparaître ensuite dans la taverne de Lilas Pastia puis exhiber un fandango sans accompagnement musical pour meubler la transition au dernier acte. Pour dynamiser l’action du tableau initial, l’on ne lésine pas sur les moyens car déambulent près de trois cents figurants et choristes revêtant les magnifiques costumes conçus par Anna Anni, jouant sur le jaune et bleu pour les uniformes de la garde descendante, le gris sombre pour les marchands, le blanc verdâtre pour les cigarières et leurs soupirants, tandis que les teintes vives sont réservées aux premiers plans. Au cœur de cette foule bigarrée, deux ou trois ânes, et une calèche où se cache Micaëla ouvrent le chemin qu’emprunteront, au quatrième acte, les coursiers caparaçonnés des quadrilles de la corrida. Même si est frisée l’exagération par cette multitude de comparses peuplant l’auberge ou le refuge des contrebandiers, le regard du spectateur tente néanmoins de se concentrer sur les ressorts dramatiques de l’action habilement ficelée.

Quant à la partition géniale de Georges Bizet, elle est mise en valeur par la direction de Marco Armiliato qui, sciemment, opte pour la version originale française avec les récitatifs chantés concoctés par Ernest Guiraud, tout en sachant mettre ensemble les éléments épars d’un si vaste plateau et en évitant tout décalage, ce qui tient de la prouesse. Il faut saluer aussi la remarquable cohésion du Coro dell’Arena, soigneusement préparé par Ulisse Trabacchini. La distribution vocale est dominée par la Carmen d’Elina Garanca qui, pour les soirs des 11 et 14 août, succède à Clémentine Margaine et à J’Nai Bridges. Usant d’une diction parfaite, sa bohémienne est la véritable bête de scène qui se joue de l’existence avec panache, tout en raillant par de sarcastiques ‘taratata’ son amant à peine sorti de prison puis en osant affronter un destin adverse avec un aplomb invraisemblable. Ne lui cède en rien le José du ténor américain Brian Jadge qui est en mesure de conclure « La fleur que tu m’avais jetée » sur un pianissimo soutenu, alors que son personnage est aussi touchant que sa fin tragique est pitoyable. Claudio Sgura compte sur la brillance de l’aigu délibérément tenu pour donner consistance à son Escamillo, bellâtre bien fruste. Maria Teresa Leva s’ingénie à camper une Micaëla qui gomme la connotation ‘oie blanche’ du rôle pour assumer la légitimité d’un grand lyrique à l’indéniable musicalité. Le plateau est complété adroitement par Daniela Cappiello et Sofia Koberidze, pimpantes Frasquita et Mercédès, Nicolò Ceriani et Carlo Bosi, sardoniques Dancairo et Remendado, et Gabriele Sagona et Biagio Pizzuti, Zuniga et Moralès engoncés dans leurs uniformes.

Feu d'artifice vocal !

par

Marina REBEKA 
Airs d'opéras de Rossini
Chor des Bayerischen Rundfunks, Münchner Rundfunkorchester, dir.: Marco ARMILIATO
2017-68' 43''-Texte de présentation en anglais et en allemand- chanté en italien et en français-textes chantés non imprimés-BR Klassik 900321

Verdi à l'honneur à Vienne

par
Il Trovatore

Il Trovatore © Michaël Pöhn

Treize fois Verdi était à l’affiche du Wiener Staatsoper en février avec une nouvelle production de « Il trovatore » et des reprises de « Nabucco » et « Otello ». « Il trovatore » a conquis Vienne depuis 1854, seulement un an après sa création au Teatro Apollo de Rome et connut sa première production au Staatsoper en 1937. La dernière datait de 1993.