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Un air merveilleux, un instrument rare : une harmonie céleste ! Lucia di Lammermoor à Liège

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Lucia di Lammermoor de Gaetano Donizetti est célèbre pour un air de Lucia au 3e acte, le fameux « air de la folie ». Pendant de longues minutes, la pauvre et tragique héroïne, qui vient d’assassiner le mari qu’on lui a imposé, évoque son union impossible avec l’élu de son cœur, Edgardo de Ravenswood, l’ennemi maudit de sa lignée. Un air qui, par la magie de ses notes, mélodie, cris, vocalises, reprises, multiplie le propos : l’amour interdit, la soumission épouvantée, l’acte meurtrier irrésistible, la douleur incommensurable, la folie. Ce que l’interprète nous propose alors, c’est à la fois une incarnation : elle est devenue Lucia, et une démonstration : la preuve d’un talent remarquable apte à toutes les virtuosités vocales et expressives. A Liège, l’autre soir, c’est ce qu’a merveilleusement réussi Zuzana Marková. 

Mais Gaetano Donizetti se révèle alors un extraordinaire magicien. Pour accompagner cette voix dans ce chant, il a prévu un instrument rare, un harmonica de verre, le plus souvent remplacé par une flûte. Un choix instrumental absolument bienvenu. Si vous n’étiez pas dans la salle, allez écouter sur internet les sonorités si particulières de cet instrument ou faites-en chez vous l’expérience ludique avec quelques verres plus ou moins remplis d’eau sur le bord desquels vous faites glisser un doigt mouillé. L’harmonica de verre, joué par Sascha Reckert, dialogue avec la malheureuse, en accord, en écho, en prolongement à son délire. Nous sommes emportés dans un autre univers, où les sensations sont la meilleure perception de ce que la réalité détruit. 

Sans aucun filtre : la Forza del destino à Liège

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La Forza del Destino, telle qu’elle est représentée à l’Opéra de Liège en ouverture de la saison, est typique d’une certaine façon d’entretenir la pérennité d’un genre qui ne cesse d’exalter ses spectateurs. Une intrigue (plutôt) compliquée, des personnages déchirés, des airs fastueux dans le bonheur ou le désespoir, un chef attentif et précis, une discrétion scénique sans filtre qui laisse toute leur place aux voix.

C’est en 1862, à Saint-Pétersbourg, et en 1869, à Milan, enrichie alors de sa fameuse ouverture, que l’œuvre est successivement créée. Elle a ému, elle a exalté, elle ne cesse d’émouvoir, elle ne cesse d’exalter. C’est qu’elle porte bien son titre : ce qui est à l’œuvre là, et dans toute sa force, c’est le destin, fatal évidemment. On ne cesse de le répéter d’ailleurs, j’ai vite abandonné de compter le nombre de fois où les personnages en soulignent la présence et les effets dévastateurs.

Don Alvaro et Donna Leonora de Vargas s’aiment d’un amour contrarié, ils veulent s’enfuir. Surgit le père de Leonora. Un geste malheureux d’Alvaro, un coup de feu accidentel, le père est mortellement touché. De quoi susciter un désir irrépressible de vengeance chez Don Carlo di Vargas, le frère de Leonora. Une vendetta dont les épisodes emmèneront le spectateur dans une auberge, un couvent, une église, un champ de bataille, un camp militaire, le couvent de nouveau et une grotte d’ermite. La complexité de l’intrigue prouve à merveille que le destin ne se fatigue jamais ! De plus, contrairement à d’autres opéras de Verdi, comme Otello par exemple, l’intrigue ne se concentre pas uniquement sur ses héros, elle accorde pas mal de place à des personnages annexes : le Père Guardiano, l’imposant supérieur du couvent, Fra Melitone, un moine jaloux et drôlement colérique, Preziosilla, une bohémienne à la Carmen, Trabuco, un muletier affairiste. Ils ont leurs moments. En fait, ils sont une façon -shakespearienne- pour Verdi et son librettiste d’aérer leur terrible propos, de le ramener « au niveau du sol », avant de lui rendre toute son intensité. 

L'Opéra royal de Wallonie-Liège en festival numérique

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L’Opéra royal de Liège Wallonie propose actuellement un véritable festival en ligne avec des représentations d’opéra, des concerts lyriques ou symphoniques et même des concerts de musique de chambre. Dans le même temps, l’institution belge met en ligne un Espace Game digital. Crescendo Magazine rencontre Isabelle Reisenfeld, la responsable communication de l’Opéra royal de Liège Wallonie. 

L’Opéra Royal de Wallonie-Liège est très actif au niveau numérique, que ce soit avec un véritable festival en ligne mais également avec un Escape Game Digital. Le numérique est-il le vecteur indispensable dans ces moments de crise pandémique ? 

Absolument. Si le public ne peut se rendre à l’Opéra, alors c’est l’Opéra qui doit aller vers lui. C’est, du reste, une préoccupation de longue date de notre Maison, bien avant la crise sanitaire. L’Opéra Royal de Wallonie-Liège a été parmi les premiers opéras à diffuser des productions en streaming dès 2010, et accorde également une attention soutenue au reste de la sphère numérique : réseaux sociaux, politique de marketing axée sur le numérique, production de contenus adaptés, ...

 Si le streaming apparaît comme un bras séculier naturel des institutions culturelles, un Escape game semble plus original et inattendu. Qu’est-ce qui a motivé l’Opéra de Liège à prendre part à ce projet ?  

L’idée vient de la société Neominds, qui conçoit ce type de jeux notamment à destination des entreprises. Comme il n’était pour le moment plus possible d’en organiser dans des conditions classiques, ils ont eu l’idée d’adapter leur concept en version digitale : ils ont imaginé une intrigue se déroulant à l’Opéra, et ils nous ont sollicité pour venir y tourner des images. Nous avons tout de suite accepté : c’est un beau moyen de donner un coup de pouce à une jeune société de notre Région, et puis cela permettra au public de découvrir notre Théâtre dans ses moindres recoins. Même les habitués de l’Opéra pourront sans doute y découvrir des choses inattendues !  

Streamings de la semaine : Liège, Paris, Londres Milan et Mons

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Cette sélection streaming de la semaine commence par l’hommage musical de l’Opéra de Liège à son regretté directeur Stefano Mazzonis di Pralafera. Speranza Scappucci est au pupitre des forces chorales et instrumentales de l’Opéra royal de Wallonie-Liège et des solistes instrumentaux et vocaux participent également à cet émouvant moment de musique. 

A Paris, le talentueux Julien Masmondet retrouvait l’Orchestre de Paris pour un programme intégralement dévolu à Camille Saint-Saëns

On passe ensuite la Manche pour un superbe concert Stravinsky du London Symphony Orchestra sous la baguette de Sir Simon  Rattle.

A La Scala de Milan, le baryton Ludovic Tézier était en récital avec la pianiste Thuy-Anh Vuong.

A Mons, la soprano Clara Inglese et le pianiste Charly Delbecq étaient invités dans le cadre de le semaine de la voix pour interpréter Robert  Schumann et Adrien Tsilogiannis.

Hommage à Stefano Mazzonis di Pralafera

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C’est avec stupeur et tristesse que le monde belge de la culture a appris ce dimanche soir, le décès de Stefano Mazzonis di Pralafera, Directeur Général et Artistique de l’Opéra Royal de Wallonie à Liège. Né à Rome en 1948, il avait été l’Intendant du Teatro Communale de Bologne avant de diriger l’institution liégeoise de 2007 à 2021. 

Sous son mandat, l’Opéra Royal de Wallonie-Liège a poursuivi son rayonnement international en accordant une grande importance aux jeunes artistes, en particulier aux jeunes pousses belges. Metteur en scène prolifique, il avait su fidéliser un public très important qui n’hésitait pas à franchir les frontières, tant géographiques que linguistiques. Son action vers les jeunes publics est également exemplaire.

Crescendo Magazine partage ici quelques témoignages, hommages à cette personnalité attachante et très appréciée.

  • Ayrton Desimpelaere 

"Prends un whisky, ça te fera du bien !". Quelques mots tirés d’une conversation autour d’un bon dîner à l’automne 2016. Nous sortions d’une répétition de Nabucco sous la direction du Maestro Paolo Arrivabeni, mis en scène par Stefano Mazzonis. Il terminait son filet américain, moi mes boulets liégeois. De sa voix si caractéristique et emblématique, et avec son aplomb naturel, il m’orienta vers cette boisson pour laquelle il nourrissait une passion bien connue. Il ne se doutait pas à ce moment que j’en deviendrais un grand amateur…

Que la fête (re)commence : La Bohème à l'Opéra de Liège

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Le moment était particulier, émouvant, et à double titre, pour l’Opéra de Wallonie : après les longs mois d’une fermeture obligée, rouvrir ses portes, accueillir son public, représenter un opéra. Et commencer à célébrer ses deux cents ans d’existence : tradition, pérennité, innovation, nécessité.

En ces temps de pandémie, pareille entreprise n’a pas été aisée à concrétiser. Il a fallu tenir compte de contraintes sanitaires officielles évolutives. Comment, dans ce contexte, monter une production d’opéra, dont on sait la complexité et le nombre d’intervenants qu’elle implique, pour quel public et à quelles conditions ?

C’est donc à un étrange bal masqué figé qu’on a d’abord assisté dans la salle de l’opéra, avec ses spectateurs aux mains préalablement hydroalcoolisées, répartis en bulles amicales ou familiales prudemment espacées d’un siège. Le masque cesse vite d’être gênant… dans la mesure où ce qui se chante et se joue captive.

En toute intensité : Don Carlos de Giuseppe Verdi à Liège

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Allons à l’essentiel : les émotions intenses vécues, le plaisir éprouvé. Ils sont liés à la qualité et à l’engagement du plateau vocal. De belles voix au service d’une partition idéalement conçue pour qu’elles s’épanouissent et expriment les sentiments et passions qui agitent les personnages. 

Celui qui m’a le plus touché est Rodrigue, Marquis de Posa. Il est en quelque sorte l’axe du livret : ami de cet infant Don Carlos qui voit ses espérances amoureuses avec Elisabeth de Valois brisées par la décision de Philippe II, son père, d’épouser la jeune femme. Favori de ce roi qu’il doit servir et qu’il trahira par amitié ; victime enfin des terribles réquisitions et condamnations du Grand Inquisiteur. Lionel Lhote lui donne une ampleur vocale et une présence scénique remarquables. Quel bonheur de le suivre dans les joies de l’amitié, dans les affres du dilemme : le roi ou l’ami. Gregory Kunde impose tous les grands élans de Don Carlos, de l’amour partagé au traumatisme révolté face aux décisions de son père, en passant par l’exaltation de l’amitié avec Rodrigue. Bonheur aussi des voix d’Ildebrando D’Arcangelo en Philippe II, de Roberto Scandiuzzi en Grand Inquisiteur. Plénitude amoureuse, malheur, jalousie, désespoir vivent tout aussi intensément dans les voix féminines. Kate Aldrich est une Princesse Eboli successivement envahie par l’espoir amoureux, la jalousie vengeresse et le repentir. Quant à Yolanda Auyanet, après avoir incarné émois amoureux et résignation, elle a malheureusement dû, souffrante, passer le relais après l’entracte à Leah Gordon qui n’a pas manqué la chance qui s’offrait à elle. Paolo Arrivabeni « harmonise » le tout à la tête de l’Orchestre et des Chœurs de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège.

Il Matrimonio Segreto, une œuvre remise à l’honneur qu’elle mérite

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Ce vendredi 19 octobre 2018, l’Opéra de Liège a rejoué pour la première fois depuis 10 ans “Il Matrimonio Segreto” de Domenico Cimarosa (1749-1801). À sa direction : le jeune et talentueux Ayrton Desimpelaere, 28 ans, assistant à la direction musicale de Liège depuis 2016 et également membre de l’équipe de Crescendo Magazine. Celui-ci honore l’une des plus grandes œuvres d’un compositeur italien encore trop méconnu aujourd’hui.

Une première attendue et réussie pour Speranza Scappucci

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Manon

© Lorraine Wauters / ORW

Manon Lescaut de Giacomo Puccini
Stefano Mazzonis di Pralafera a tenu son pari : après celle de Massenet, puis celle d'Auber, voici la troisième Manon du répertoire, le premier succès du jeune Puccini (1893). Contrairement à la mise en scène de Mariusz Trelinski à La Monnaie, en janvier 2013, froide et sans âme, le maître des lieux a joué, à juste titre, la carte amoureuse passionnée, en cela bien aidé par des solistes très investis.

Le premier Grand Opéra Français de Verdi se voit bien honoré

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Jerusalem Verdi

© Lorraine Wauters

Passionnante résurrection à l'Opéra Royal de Wallonie ! Qui aurait cru à la fortune de Jérusalem, gentiment citée dans les monographies comme "version française" du quatrième opéra de Verdi "Il Lombardi alla Prima Crociata", et sitôt oublié ? C'est tout à la gloire de Stefano Mazzonis di Pralafera d'avoir cru depuis longtemps à cet opéra, et d'avoir osé le monter.

Une belle production, et pas uniquement pour Leo Nucci

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Leo Nucci © Lorraine Wauters / Opéra Royal de Wallonie

Nabucco reste une oeuvre passionnante. Troisième opéra de Verdi (1842), elle inaugure avec fracas une nouvelle ère de l'opéra italien, celle du chant ample et dramatique, de la force de l'expression, de la puissance des choeurs et de l'orchestre. Pressé par le temps, Verdi se lancera dans la série des opéras qu'il appela "les années de galère" dont seuls ce Nabucco et Macbeth sont demeurés au répertoire.

Un bon spectacle de base

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La Traviata - Sabina Puértolas (Violetta Valéry)

Reprise d'une production de mai 2012, fidèle au concept de base de l'Opéra Royal de Wallonie : monter des oeuvres du grand répertoire avec de belles voix et une mise en scène lisible. La Traviata est, avec Rigoletto, sans doute l'oeuvre la plus souvent représentée de Verdi; les solistes, pour n'être pas des stars, étaient bien distribués, et Stefano Mazzonis de Pralafera n'a pas son pareil pour présenter l'opéra italien dans un langage scénique actuel,  sans prétentions inopportunes.

A chef-d'oeuvre immortel, baryton immortel

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Leo Nucci, un des plus talenteux si ce n'est le plus talentueux Rigoletto de notre époque © Jacky Croisier

Rigoletto à l'ORW
Leo Nucci ! Avec un atout pareil, la salle de l'Opéra Royal de Wallonie se devait d'être comble ! Elle l'était. Né en 1942, l'illustre baryton aurait chanté le rôle de Rigoletto plus de 500 fois ! Mythe ou vérité, il a incarné le bossu à Liège avec une maîtrise souveraine, qui a déchaîné l'enthousiasme du public.

Une reprise de Manon magnifiée par Annick Massis

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de Bretigny et Manon (acte iii)

C'était en juin 2012. L'ORW terminait sa dernière saison sous le chapiteau du "Palais Opéra", le directeur, Stefano Mazzonis di Pralafera, avait choisi Manon, et mettait lui-même l’opéra de  Massenet en scène. Cette production, bien accueillie, contait "l'histoire de Manon Lescaut" au travers des pages d'un livre figurant à chaque acte ou à chaque tableau un décor différent.

Un beau point final à la saison de Liège

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Laurent Kubla, Lilo Farrauto, Enrico Marabelli et Edgardo Rocha sont Filippo, Tommasino, Don Pomponio et Alberto

La Gazzetta de Rossini
Succédant immédiatement au Barbier de Séville (1816), cette Gazzetta ne connut jamais le succès, malgré un sujet ingénieux tiré de Goldoni. A Paris, Don  Pomponio, riche commerçant napolitain, veut marier sa fille Lisetta par annonce dans les journaux. Or celle-ci est amoureuse de l'hôtelier Filippo. Un second couple d'amants, un autre père pas trop malin, un vieux beau, des touristes, et même quelques filles légères : tout ce petit monde pimente une action pleine de vivacité, et on ne s'ennuie pas une seconde.

Un autre Guillaume Tell !

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A Liège, Guillaume Tell de Grétry

Créé en 1791, au « Théâtre de l’Opéra Comique National ci-devant Comédie Italienne », Guillaume Tell était l’oeuvre d’un compositeur illustre et bien ancré dans la vie musicale parisienne.