Tourisme musical avec Jordi Savall

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MUSICA NOVAHarmonie des Nations. Oeuvres de Parabosco, Grillo, Gabrieli, Dowland, Gibbons, Brade, Scheidt, Marini, Legrenzi, Charpentier, Araujo, Cabanilles et Anonyme. Hespèrion XXI, dir.: Jordi SAVAL. Date d'enregistrement non précisée-DDD-77'29-Textes de présentation en anglais, français, espagnol, catalan, allemand et italien-Alia Vox AVSA9926.

Bien que la date d'enregistrement ne soit pas précisée, il semble bien que le disque-catalogue du label Alia Vox pour 2018, paru en début d'année, soit une nouveauté.

Jordi Savall y a choisi un programme de musique pour consort qui fédère les musiques des quatres coins de l'Europe entre 1500 et 1700, ce que suggère par ailleurs le sous-titre donné à l'album : Harmonie des Nations. Le titre lui-même (Musica Nova) met l'accent sur le fait que, depuis toujours, il s'est trouvé des compositeurs pour revendiquer l'aspect novateur de leurs créations jusque dans les énoncés de leurs oeuvres telles que Le nuove musiche de Giulio Caccini. C'est ce fil rouge que le violiste catalan suit tout au long de ce voyage dans l'espace et le temps, un voyage parsemé d'escales variées et passionnantes. Embarquement vers l'Italie, tout d'abord, avec quelques danses anonymes du 16e siècle où les violes sont soutenues par de discrètes percussions.

Des Caprices et Ricercare de Parabosco, Grillo et Andrea Gabrieli complètent cette première étape. Direction l'Angleterre et le 17e siècle ensuite, où nous attendent Dowland avec une Lacrimae pavan qui n'est autre que la transcription du célébrissime Flow my tears et la King of Denmark galliard. Orlando Gibbons avec un In nomine à quatre voix et William Brade avec Ein Schottish Tanz nous font, à leur tour, promener le long de paysages riches et variés. C'est ensuite l'Allemagne plus sévère des Ludi Musici de Samuel Scheidt dont quatre extraits résument parfaitement l'esprit de cet ensemble devenu célèbre. Court retour en Italie ensuite pour une Passacaille de Biagio Marini et une sonate de Giovanni Legrenzi.

Nous continuons à avancer dans le temps et l'espace avec le plat de résistance du programme: le concert pour quatre violes H.545 de Marc-Antoine Charpentier. Une dernière escale en Espagne nous dépose devant une Folia de Pedro de San Lorenzo qui passe de l'austérité à l'exubérance en quelques mesures, ainsi que des Consonancias de Pedro de Araujo et une Courante de Joan Cabanilles. Le plus souvent accompagnées par un archiluth, un théorbe ou une guitare, ces pièces pour consort forment un très divertissant kaléidoscope de styles fort différents. Comme toujours, le style inimitable de Jordi Savall fait mouche: rien ne pèse, tout est ciselé avec amour mais sans affect, les sonorités sont enivrantes. Au contraire de son album Les éléments, par exemple, le spectaculaire n'est pas au rendez-vous ici : le répertoire abordé relève davantage de la sphère intime, formation choisie oblige. Il va sans dire que les amateurs inconditionnels du chef de Hespèrion XXI n'auront pas attendu la fin de cet article pour se fournir ce nouvel opus. Pour ceux qui ne seraient pas familiers de cette légende vivante (y en a-t-il ?), ce disque est une excellente entrée en matière.

Bernard Postiau

Son: 10 Livret: 10 Répertoire: 10 Interprétation: 10

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