Trilogie Mendelssohn au KlaraFestival

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Le premier concert de la trilogie Mendelssohn donnée par la Deutsche Kammerphilharmonie de Brême au Palais des Beaux-Arts (les deux suivants se donnaient à Anvers et à Bruges) bénéficia certainement de la visite du Barack Obama, venu prononcer son désormais célèbre discours de Bruxelles dans la grande salle Henry Le Boeuf l’après-midi même. Le temps que l’on remette en ordre la salle, cette belle soirée commença avec une heure de retard. Et alors que les spectateurs pénétraient dans la salle, l’orchestre en était encore à terminer sa répétition. Mais le disait si finement Greet Samyn, la charmante présentatrice de Klara montée sur scène pour présenter cette belle soirée retransmise en direct sur les ondes de la radio, ce n’est pas tous les jours qu’on a le privilège d’avoir le président des Etats-Unis assurer la première partie d’un concert.
Si l’on attend d’un festival qu’il propose des choses sortant de l’ordinaire, alors le Klarafestival n’aura certainement pas failli à sa tâche en proposant ces trois soirées reprenant l’intégrale des symphonies de Mendelssohn et trois des ses concertos. Dans l’excellente notice du programme, Francis Maes expliquait avec beaucoup de finesse l’ambiguïté qui entoure Mendelssohn, en citant l’antisémitisme de Wagner, la réaction anti-victorienne frappant un compositeur qui de son vivant était adulé plus qu’aucun autre en Angleterre comme en Allemagne, et l’espèce de méfiance qui entoure un compositeur insolemment doué, ayant en plus grandi dans une famille heureuse, fortunée et cultivée. En fait, la postérité, si attachée à l’image de l’artiste romantique en rupture de ban de la société et concevant ses grandes oeuvres au prix d’un triomphe héroïque sur l’adversité, semble n’avoir eu de cesse de reprocher au bien-nommé Felix de ne pas en avoir suffisamment bavé.
En tout cas, l’approche du chef anglais Ivor Bolton à la tête de l’excellent orchestre de Brême était elle, heureusement, dénuée de tout sentimentalisme, et respirait au contraire une belle franchise, le chef prenant cette musique à bras-le-corps, faisant preuve d’une belle franchise dépourvue cependant de brutalité et n’oblitérant en rien la tendresse qui parcourt ces pages, merveilles du premier romantisme. Le concert s’ouvrit par la Symphonie n° 2 Lobgesang, privée cependant -quel dommage- de sa partie chorale. Comme dans la symphonie n° 5 Réformation qui clôtura la soirée, tant le chef que l’orchestre ne cessèrent d’aborder cette musique, si bien écrite, avec plaisir et même gourmandise.
Quant au Double concerto pour piano et violon en ré mineur, oeuvre écrite par un compositeur d’à peine 14 ans, aussi subtile que fraîche et marquée par un mouvement lent d’une grâce véritablement mozartienne, elle permit d’entendre en solistes le pianiste Nelson Goerner et le violoniste Linus Roth. Le pianiste argentin est un magnifique artiste au jeu clair, net, très subtilement pédalé et capable de très belles couleurs. Quant au jeune violoniste allemand (qui remplaçait Lorenzo Gatto, malade), son jeu se caractérise par une musicalité simple, directe et dépourvue de toute affèterie ainsi que par une très belle maîtrise d’archet, mais son approche franche et rigoureuse s’avère parfois un peu carrée et assez chiche en matière de tendresse et de couleurs.
Patrice Lieberman
Bruxelles, Bozar, le 26 mars 2014

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