Trios élégiaques

par

Elegy
Sergei Rachmaninov 
(1873-1943): Trio élégiaque n° 1 en sol mineur
Arno Babadjanian (1921-1983): Trio avec piano en fa dièse mineur
Dimitri Chostakovitch (1906-1975): Trio avec piano n° 2 en mi mineur op 67
New Zealand chamber soloists
Lara Hall : violon, James Tennant : violoncelle, Katherine Austin : piano
2008-ACD209 - Notice en Anglais-Atoll

Le New Zealand Chamber soloists nous offre un disque consacré au trio pour piano russe et arménien. Le Trio élégiaque de Rachmaninov et le deuxième Trio de Chostakovtich entourent un trio un peu moins connu des mélomanes même s'il est l'oeuvre la plus populaire de Babadjanian, compositeur arménien. Le Trio élégiaque de Rachmaninov est une oeuvre de jeunesse en hommage au Trio élégiaque "En mémoire d'un grand artiste" de Tchaikovsky et conserve auprès du public et des musiciens un succès qui n'est pas prêt pas de s'altérer ; c'est peut-être même la pièce de musique de chambre la plus jouée. Il est vrai qu'elle a tout pour plaire, des thèmes magnifiques, une écriture très pianistique sans être redoutable et une durée qui est raisonnable contrairement à celui de Tchaikovsky. Cet ensemble Néo-Zélandais s'en sort très bien avec une pianiste très chantante, énergique et au jeu brillant. Le violoncelle a une très belle présence sonore et fait chanter son instrument sans trop tomber dans un excès de pathos (chose compréhensible dans ce trio). La violoniste est elle très active et fait en sorte de garder un tempo stable et de ne pas alourdir le discours ; elle ne s'attarde pas à chaque fois qu'elle a un thème. Le Trio avec piano de Babadjanian est une très belle pièce contenant de magnifiques atmosphères. On sent bien évidemment l'influence de Rachmaninov et de Khatchatourian mais aussi celle de Chostakovitch. Toutefois Babadjanian n'est qu'un simple épigone , il est évident qu'il a su se forger un style assez personnel, nourri des compositeurs russes, du folklore arménien et même du jazz. Babdjanian fait partie des grands compositeurs arméniens avec Khatchatourian et Komitas. On sent ces jeunes musiciens à l'aise avec cette musique très expressive qui contient de belles couleurs exotiques. L'ambiance qu'ils parviennent à installer dans le mouvement lent (andante) est tout à fait remarquable, on est hypnotisé par cette mélodie au violon accompagnée d'un piano avec un ostinato rythmique aux harmonies subtiles. Ce trio mériterait d'être plus joué car il a un charme indéniable et ne serait-ce que pour sa couleur folklorique. Vient ensuite le fameux Trio avec piano de Chostakovitch qui ne peut être écouté sans penser à la période où il a été composé : 1944, en pleine Seconde Guerre mondiale. Tout dans ce trio n'est qu'un constat des horreurs et atrocités de la guerre. Même s'il semble parfois s'échapper d'un état d'abattement, ce trio est rempli de désespoir même s'il finit sur un ton un peu ironique et grinçant. C'est dans ce trio que le New Zealand chamber soloists est au meilleur de sa forme avec une interprétation très passionnée, personnelle et convaincante. Pas un seul ventre creux ou moment de relâchement. Les musiciens parviennent à maintenir cet été de tension permanente tout au long de ce trio sans pour autant rendre le tout nerveux et brusqué. Magnifique troisième mouvement qui nous fait rentrer sans effort dans un univers rempli de tristesse et de prostration. Les autres mouvements ont une belle énergie, les musiciens sont très actifs mais gardent toujours le contrôle et ménagent les effets car cette musique parle immédiatement et l'on ne peut être indifférent. Oui, car ce trio est une élégie en mémoire d'un ami du compositeur disparu en 1944 mais il est surtout une protestation contre le régime et les abominations commises en son nom. Cet ensemble de musiciens de la Nouvelle-Zélande ont relevé un beau défi, réunir trois trios très lyriques et expressifs mais dans un style très contrasté. Belle réussite.
François Mardirossian
Son 9 - Livret 6 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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