Un album empli du souffle de l'Esprit-Saint

par
Wagner Bruckner

Richard WAGNER
(1813 - 1883)
Das Liebesmahl der Apostel
Anton BRUCKNER
(1824 - 1896)
Symphonie n° 7
Tschechischen Philharmonischen Chores Brünn, Sächsischen Staatsopernchores Dresden, Tschechischen Nationalchores Prag, MDR Rundfunkchores Leipzig, Philharmonischen Chores Dresden, Dresdner Kammerchores, Pablo ASSANTE (chef des choeurs), Staatskapelle Dresden, dir.: Christian THIELEMANN
2016 - Live - 69' 58''et 29' 47''- Texte de présentation en allemand et en anglais - Profil Hänssler 2CD PH15013

La notice, très fouillée (Tobias Niederschlag), nous renseigne sur les relations entre Wagner et la Ville de Dresde, dont le compositeur fut "Kapellmeister" de 1843 à 1849. Il y fut aussi, avant Schumann et Bruckner, directeur de la "Dresdner Liedertafel". Et c'est pour cette société chorale qu'il composa une  imposante cantate, Das Liebesmahl der Apostel, créée en 1843, à la Frauenkirche de la ville, devant toute la cour de Saxe, par 1.200 choristes, et les 100 membres de cet orchestre de la cour, qui allait devenir la Staatskapelle Dresden, l'un des plus illustres orchestres du monde. Malgré le succès, elle ne resta pas au répertoire, et fait encore figure de rareté absolue, malgré quelques enregistrements, dont celui de Pierre Boulez, en 1978 (Sony-BMG). De structure singulière, la cantate, une trentaine de minutes, ne fait entrer l'orchestre que les dix dernières. Le choeur a capella est donc essentiel. Il fait ici appel à six chorales différentes, de ces superbes et monumentales chorales germaniques que Thielemann dirige de manière grandiose et imperturbable. Il s'agit d'un live pour le bicentenaire de Wagner, enregistré en 2013, dans cette Frauenkirche qui en vit la création. La musique, fort savante, décrit l'angoisse des disciples à la Pentecôte. Les apôtres (12 basses) puis l'Esprit Saint (l'orchestre) les rassureront. On pense au Vaisseau fantôme et parfois à Tannhäuser ou même à Lohengrin (à 9' 26'' de la plage 5). Le style est sévère, et un peu pompier à la fin ("Der uns das Wort, das herrliche, gelehret"). Créée en 1884 par Nikisch, la septième symphonie de Bruckner, la plus jouée, fait évidemment figure de tube dans cet album de 2 CD. C'est à nouveau un live, mais cette fois de 2012, et enregistré au Semperoper. Dès la courbe ascendante initiale des cordes, Jusqu'à la coda carillonnante. Thielemann impose un climat grandiose et intense, qu'il conservera tout au long de cet immense monument (rien que le premier mouvement dure autant que toute la troisième symphonie de Roussel !). Beaucoup de sentiment, de tension aussi, dans l'adagio, écrit par Bruckner quand il apprit la mort de son dieu Wagner. C'est ici qu'apparaissent les fameux "Wagner-tuben", et... l'unique coup de cymbale (à 18'16''). Enthousiasme et force caractérisent l'alerte scherzo, où les cordes se distinguent par un jeu dansant tout à fait à propos. Disposant du souffle requis pour cette musique, Thielemann poursuit sur sa lancée ample et large, grâce également à des cuivres chauds et puissants. Un savant dosage dynamique conduira, de manière fort habile, à la coda où, cette fois, la force primera sur la légèreté.
Si, de Furtwängler à Sinopoli, en passant par l'incontournable Jochum, de nombreuses réussites jalonnent la carrière discographique de ce chef-d'oeuvre, la présent version de Thielemann peut s'inscrire dignement dans la grande tradition allemande, cette tradition dont ce chef se réclame si ardemment. Mais l'album vaut surtout par l'étrange cantate de Wagner.
Bruno Peeters

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 7 (Wagner) et 10 (Bruckner) - Interprétation 10

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