Un chef-d'oeuvre qui fait des petits

par
Vittelo

Igor STRAVINSKY
(1882 -1971)
Octuor pour instruments à vent
Peter EÖTVÖS
(° 1944)
Octuor 
Alessia ELIA 
Octuor
Albertas NAVICKAS 
By Heart 
Rita VEDA 
Gargoyles in Love
I Solisti della Scala, dir. Andrea Vittelo
2018 DDD 63’20 Textes de présentation en italien et en anglais CD Warner 5054197005817

Au fil du temps, Stravinsky n’est plus seulement assimilé à ses trois premiers ballets, L’Oiseau de Feu, Petrushka, Le Sacre du Printemps, car certaines œuvres sortent de l’ombre et sont de plus en plus enregistrées, comme Pulcinella, Apollon Musagète, La Symphonie de Psaumes, Oedipus Rex, les œuvres pour violon et piano, le Concerto en Ré pour cordes, et … l’Octuor de 1923. Et gageons qu’il en sera de plus en plus ainsi. Et il reste beaucoup de chefs-d’œuvre à découvrir. Les musiciens le savent, l’industrie du disque s’en rendra compte bientôt. L’Octuor date du tout début de la période dite néo-classique de Stravinsky. Il a été composé entre Pulcinella et le Concerto pour piano et instruments à vent. Ces derniers ont fait l’objet d’une attention particulière de la part de Stravinsky. Il s’agit vraiment chez le compositeur russe d’une émancipation, au détriment des cordes jugées trop sentimentales. La raison est simple : les vents correspondaient exactement à l’esthétique voulue par le maître. A l’opposé du romantisme, il s’agissait désormais d’écrire une musique « objective », sans affect. L’Octuor, une composition issue d’un rêve quant à sa distribution instrumentale, en est un bon exemple. C’est aussi la première œuvre que Stravinsky dirigea, s’ouvrant ainsi une carrière de chef. Le fait que je sois un inconditionnel de Stravinsky ne signifie pas que j’en accepte toutes les interprétations, loin de là. Mais, force est de reconnaître que cette version de l’Octuor est sans doute la meilleure que je connaisse, pas seulement à cause du jeu des instrumentistes, mais surtout car la prise de son nous fait entendre distinctement huit solistes au lieu d’un ensemble global. La polyphonie est ainsi beaucoup mieux rendue, et c’est un régal que d’entendre les multiples contrepoints et entrelacements de ces huit musiciens, tous appartenant à l’orchestre de la Scala. Les œuvres qui suivent sont toutes redevables au chef-d’œuvre de Stravinsky. L’Octuor de Peter Eötvös, composé en 2008 à la mémoire de Stockhausen, pour qui Eötvös a longtemps travaillé, rappelle Adieu, une œuvre que Stockhausen composa pour quintette à vent. Vient ensuite l’Octuor d’ Alessio Elia (2016), une œuvre en deux mouvements. Dans le premier, les instruments partent dans tous les sens en une polyphonie foisonnante. Le deuxième est au contraire harmonique, une sorte de choral funèbre. By Heart (2017) du lithuanien Albertas Navickas est influencé par l’univers bruitiste d’Helmut Lachenmann. Et tout en jouant, les musiciens égrènent un sonnet de Shakespaere. La dernière œuvre est de Rita Ueda, une japonaise qui a étudié au Canada. Gargoyles in Love (2017) met en scène des créatures monstrueuses, telles qu’on en voit sur les cathédrales médiévales. Des accords agglomérés font entendre les rugissements et gargouillis de ces monstres. Quel que soit l’intérêt (relatif) que l’on porte à ces quatre œuvres complémentaires, le disque vaut vraiment pour la formidable version de l’Octuor de Stravinsky.
Dominique Lawalrée

Son 10 - Livret 8 - Répertoire 9 - Interprétation 10

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