Un chef-d'oeuvre trop méconnu de Haendel

par

Georg-Friderich HAENDEL
(1685-1759)
Partenope
Karina GAUVIN (Partenope), Philippe JARROUSSKY (Arsace), Teresa IERVOLINO (Rosmira), Emöke BARATH (Armindo), John Mark AINSLEY (Emilio), Luca TITTOTO (Ormonte), IL POMO D'ORO, dir.: Riccardo MINASI
2015-DDD-74'31, 62'48 et 66'07-Textes de présentation en anglais, français et allemand-Livret en italien, anglais, français et allemand-Chanté en italien-Erato 0825646090075 (3 cd)

Il est étonnant que Partenope n'ait pas davantage séduit musiciens et éditeurs. En effet, après Kuijken à la fin des années’70 (Sony), seul Curnyn en 2004 (Chandos) s'est penché sur ce qui reste sans doute l'une des plus belles oeuvres scéniques -et des plus imaginatives- de Haendel, magnifiée par un livret brillant inspiré du poète Silvio Stampiglia, à l'atmosphère qui doit quelque chose à Shakespeare et qui tentera plusieurs autres compositeurs tels que Mancia, Caldara, Vinci. Archétype de l'opéra « anti-héroïque », la partition conte, sur un ton généralement plutôt léger, la création mythique de Naples par la sirène Parthénope, celle-là même qui tentera, en d'autres temps et autres lieux, de séduire Ulysse lors de sa traversée du détroit de Messine; mais ceci est une autre histoire... A l'instar de Cosi fan tutte (ou de Zaïs de Rameau), Partenope est l'opéra de la mise à l'épreuve de l'amour. Par ailleurs les principaux personnages ont des profils souvent peu séduisants: vaniteux, futiles, jaloux, traîtres, rancuniers, désinvoltes, naïfs... Ce qui met cette oeuvre un peu à part dans la production haendélienne, c'est la profusion vertigineuse et inhabituelle d'airs, d'ensembles (duos, quatuor, quintette, etc.) et pages instrumentales (dont une bataille) souvent courts. Par rapport aux deux enregistrements qui l'ont précédé, qui proposaient la version originale de 1730, celle-ci la suit également avec quelques variantes: adjonction de l'air Bramo restar, ma no, ainsi que d'une sinfonia de trompette et une « fin alternative » composée par Haendel pour une reprise de décembre 1730, destinée à mettre en valeur l'un des chanteurs les plus célèbres de son temps: Senesino. Interprétation superlative, toute en élégance et finesse, avec un Philippe Jarroussky en très grande forme et une Karina Gauvin somptueuse. L'orchestre virevolte avec panache sous la direction experte et raffinée de Riccardo Minasi. Il sera difficile de partager les trois concurrents. Après mûre réflexion, on privilégiera peut-être la dernière venue, pour l'excellence des rôles principaux et une version plus complète.
Bernard Postiau

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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