Un chef et quel chef : Lionel Bringuier !

par
B

Pour achever sa prestigieuse série de concerts symphoniques, le Service Culturel Migros invite pour la première fois le fringant chef niçois Lionel Bringuier et l’Orchestre de la Tonhalle de Zürich dont il est le directeur musical.La première partie de programme fait intervenir deux solistes. Paraît d’abord la jeune violoncelliste suisse Chiara Enderle qui nous propose une page peu connue d’Antonin Dvorak, Silence de la forêt qui n’est que la transcription pour violoncelle et orchestre de la Cinquième des pièces de l’opus 68, Dans la Forêt de Bohême pour piano à quatre mains. De cet arrangement réalisé en 1893 par le compositeur lui-même, l’artiste dégage une sonorité onctueuse empreinte de mélancolie, avant de se laisser émoustiller par un coloris plus clair alors que l’intermezzo central suggère un propos plus animé. Et les quelques six minutes de durée de l’œuvre suffisent pour nous révéler un indéniable talent que l’on se réjouit d’applaudir dans un ouvrage plus conséquent.
Puis, pour la première fois dans le cadre de cette série, intervient le violoniste américano-israélien Gil Shaham, interprète du Deuxième Concerto en sol mineur op.63 de Sergei Prokofiev. Bénéficiant de la transparence du canevas instrumental, la finesse du trait impose d’abord une note élégiaque qui s’anime rapidement de passages virtuoses en une progression incandescente débouchant sur une cantilène radieuse. En une étroite complicité avec le chef, le violoniste ose ensuite les sons les plus ténus pour épurer l’Andante assai, avant de laisser éclater la rudesse des dissonances dans un Finale contrastant lourdement avec les deux premiers mouvements. En bis, le Prélude de la Troisième Partita en mi majeur de Bach, jouant des moirures du phrasé et des doubles cordes pour glisser une discrète ornementation de la ligne mélodique.
La seconde partie est consacrée à Antonin Dvorak et à son œuvre la plus célèbre, la Symphonie du Nouveau Monde. Lionel Bringuier brosse une toile de fond neutre dont il épie les moindres frémissements pour laisser apparaître les lignes de force du discours encadrant un cantabile d’une rare fluidité. Décantant totalement le support orchestral, le Largo prend un caractère émouvant grâce à un cor anglais vous arrachant les larmes, climat que le hautbois tentera d’émoustiller subrepticement avant la conclusion en forme de choral. Par des traits acérés, le Scherzo est parcouru d’une indomptable énergie dont le trio aux inflexions dansantes calmera les élans. Et le Finale est clamé par la solennité des cuivres, laissant à la clarinette le soin d’aviver la réminiscence du passé. Devant les acclamations du public, chef et orchestre se lancent dans un Furiant de la Suite Tchèque op.39 à vous couper le souffle, si ce n’est pour hurler sa joie !
Paul-André Demierre
Genève, Victoria Hall, le 31 Mai 2017

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