Un chef et un ténor pour le Faust de Lausanne 

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En juin 2015, le Teatro Regio de Turin présentait le Faust de Gounod dans la production de Stefano Poda qui avait conçu à la fois la mise en scène, les décors, les costumes et les éclairages. Et maintenant le spectacle est affiché à l’Opéra de Lausanne : l’on y retrouve le gigantesque anneau qui symbolise le pacte entre l’homme et le non-être ; s’y lovent l’arbre calciné, la croix et l’entrelacs de liens suggérant la prison. Autant à Turin le dispositif produisait un effet fascinant par ses dimensions, autant ici il donne l’impression d’être étriqué de par l’exiguïté du plateau ; et la scène tournante utilisée constamment fatigue au lieu de dynamiser le propos. Les redingotes rouges des buveurs, le noir et blanc Chanel des bourgeoises, les manteaux sombres des soldats, le grisâtre des damnés se succèdent sans accrocher le regard. Et le Chœur de l’Opéra de Lausanne (préparé par Marcel Seminara) laisse apparaître une faiblesse de certains registres, notamment les voix féminines, ce qui surprend tout habitué des lieux.
Mais la direction de Jean-Yves Ossonce, à la tête de l’Orchestre de Chambre de Lausanne, est exemplaire, tant elle sait préserver la fluidité des lignes sans couvrir les solistes. En bénéficie le Faust du ténor italien Paolo Fanale (découvert à Genève en Wilhelm Meister de Mignon) qui joue la carte de la franchise en s’investissant totalement dans son personnage et en arborant une élocution française remarquable. La basse Kenneth Kellog a la stature démesurée d’un Méphisto terrifiant ; mais l’aigu vacille sur un medium et un grave néanmoins consistants. Maria Katzarava dont on avait applaudi la Juliette il y a cinq ans gomme l’innocente jeunesse de Marguerite pour n’en exploiter que le lyrisme tragique ; mais elle a au moins le mérite de parvenir sans ambages au trio final. Régis Mengus coule son Valentin dans le moule pathétique, tandis que Carine Séchaye dessine un Siébel mûri par les épreuves. Et Marina Viotti rajeunit l’accorte Dame Marthe quand Benoît Capt prête une légitime assurance au petit rôle de Wagner.
Paul-André Demierre
Opéra de Lausanne, première du 5 juin 2016

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