Un chef prometteur, un soliste de renom 

par

© Hans van der woerd

Pour sa série ‘Grands Classiques’, l’Orchestre de la Suisse Romande nous fait parfois découvrir un chef prometteur dialoguant avec un soliste de renom. Ce fut le cas le 18 avril avec Lahav Shani, jeune artiste israélien qui prendra les rênes du Philharmonique de Rotterdam en septembre 2018 puis succédera à Zubin Mehta à la tête du Philharmonique d’Israël à partir de la saison 2020-2021.

D’emblée il impose sa marque dans un Quatrième Concerto pour piano de Beethoven dont il imprègne l’Allegro moderato d’une nostalgie toute retenue pour répondre au grand pianiste Radu Lupu : l’on sait les années difficiles entachées par une santé précaire qu’il vient de traverser. Mais à partir d’un premier motif au tour énigmatique, il donne aujourd’hui l’impression de renouer avec un certain lustre, tant il s’ingénie à détailler chaque trait pour en clarifier la texture et à recourir à quelques accents cinglants pour dynamiser le propos ; certes, la première cadence, redoutable par sa longueur, laisse apparaître fausses notes et trous de mémoire que l’on minimise aussitôt, car l’Andante et le Vivace final révèlent une poésie souvent douloureuse que lacèrent de véhéments tutti à l’arrachée. En bis, le pianiste offre un Schubert magnifique, celui de l’Impromptu en sol bémol majeur op.90 n.3, emporté par un souffle dramatique saisissant.
La seconde partie du programme est consacrée à une Deuxième Symphonie de Brahms présentée avec un effectif instrumental considérable (12 premiers violons, 12 seconds, 9 altos, 9 violoncelles…). Ceci pourrait confiner à l’exagération cinématographique ; mais la baguette de Lahav Shani aborde à tempo modéré l’Allegro non troppo initial ; et le legatissimo des cordes amène progressivement les premiers éclats du tutti qu’il estompe afin de fluidifier le discours. En un large cantabile, les violoncelles développent un Adagio qui n’est que méditation recueillie, tandis que l’Allegretto grazioso se laisse innerver par la nervosité de traits acérés qu’assouplira un subtil rubato. Par la noblesse carrée de ses accents, le Finale vous tient en haleine jusqu’à la coda scandée par les trompettes victorieuses puis par les frénétiques applaudissements du public.
Paul-André Demierre
Genève, Victoria Hall, le 18 avril 2018

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