Un conte de fée entre deux sonates de Mozart

par

Wolfgang Amadeus Mozart (1756 - 1791)
Sonate pour violon et piano en do majeur, K.296 - Sonate pour violon et piano en si bémol majeur, K.454
Igor Stravinsky (1882 - 1971)
Divertimento pour violon et piano
Esther Hoppe (violon) – Alasdair Beatson (piano)
2014 - DDD – 62,32’ – Textes de présentation en français, allemand et anglais – Claves LC3369

Pour leur premier enregistrement en duo, Esther Hoppe et Alasdair Beatson se sont penchés sur un programme dont le fil conducteur semble être l'idée du classicisme ou tout du moins son évolution. Et quels autres compositeurs seraient plus représentatifs que ces deux grands maîtres que sont Mozart et Stravinsky?
Si la réponse à cette question semble tout à fait subjective, celle que nous proposent Hoppe et Beatson est plus que satisfaisante. En effet, il n'est pas question d'opposition mais bien de proximité entre classicisme et néoclassicisme. Pour ce faire, les deux instrumentistes décident d'associer deux sonates de Mozart au Divertimento pour violon et piano de Stravinsky. Notons que l'œuvre de Stravinsky, tout en restant inscrite dans son esthétique, se veut dédiée à la muse d'un autre grand maître russe: Tchaïkovski. Dans les faits, cette œuvre, composée à la base pour un effectif plus large, se trouve empreinte de l'univers fantastique et féerique de ce dernier. La musique nous raconte au fil des mouvements l’histoire d’un enfant qui reçut, après la mort de sa mère, un baiser de la fée des glaces. Quelques années plus tard, en âge de se marier, il demande la main de la fille du meunier, ce dernier accepte et s’en suivent les réjouissances villageoises (Danses suisse). Mais la veille du mariage, une diseuse de bonne aventure entre au village et, à l’instar des autres villageois, le jeune fiancé décide de se faire lire l’avenir. Saisi d’un mauvais pressentiment, il décide de retrouver sa bien-aimée afin de partager quelques moments de tendresse (Pas de deux, Adagio). Soudainement, la jeune femme, déjà drapée de son voile, quitte alors la chambre pour réapparaitre dans ses habits de mariée. C’est alors que le jeune homme découvre que celle qu’il pensait avoir retrouvée n’est autre que la fée des glaces (Variations). Sous l’emprise du baiser reçu quelques années auparavant, le jeune homme ne peut résister à la fée et perd son âme. Enfin, alors que la fée emmène au loin le fiancé, la jeune fille du meunier reste seule, dans l’attente de son amour qui ne reviendra pas.
Au-delà de la musique à programme à travers laquelle Stravinsky tente d’épanouir son langage musical, les sonates de Mozart recèlent aussi quelques informations intéressantes dont l’une nous éclaire sur le choix d’Esther Hoppe. En effet, la sonate en si bémol majeur porte comme dédicataire Regina Strinasacchi, violoniste virtuose, raffinée, expressive et appréciée du compositeur lui-même. L'idée de pouvoir entendre le son sobre et le jeu en finesse d'Esther Hoppe dans un répertoire qui semble lui convenir paraît succulente. Pourtant, sans être déçu par la qualité de l'interprétation, nous regrettons tout de même une certaine platitude. Entendons-nous bien, le jeu d'Hoppe et celui de Beatson se complètent avec succès, les mélodies sont claires, la musique globalement précise et tout semble sous contrôle. Pourtant, le résultat qui s'en dégage nous laisse trop souvent distant, dans l'attente d'une main qui se tende pour nous emmener au plus profond de la musique. Bien entendu, ces œuvres nécessitent une certaine austérité mais il faut se garder de confondre austérité et distance. Tout le génie du compositeur classique et/ou néoclassique tient dans le fait de nous faire toucher l’idée d’une perfection. Le seul défaut de cet album est de ne pas avoir pu mettre en tension perfection et émotion.
Xavier Falques

Son 9 - Livret 10 - Répertoire 10 -  interprétation 7

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