Un double Haendel baroque de luxe !

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Giovanni Furlanetto (Melisso), Angélique Noldus (Bradamante) © Bernd Ulhig

Tamerlano un « opera in tre atti » et Alcina un « dramma per musica in tre atti » de Haendel furent créés à Londres en 1724 et 1735. En 2002 et 2003, Pierre Audi mettait ces œuvres en scène au Drottingholms Slottsteater puis, devenu directeur du Nederlandse Opera, les emmenait en 2005 au Stadsschouwburg d’Amsterdam. Ces deux Haendel sont actuellement à l’affiche de la Monnaie, en coproduction avec le Nationale Opera d’Amsterdam qui présentera à nouveau les deux opéras au Stadsschouwburg à partir du 24 février. Il faut en effet une scène proche de celle du théâtre de Drottingholm puisque le décor conçu par Patrick Kinmonth évoque ce théâtre baroque : gris et austère avec quelques moulures dorées pour Tamerlano et des nuages bleus à la fin. Feuillages baroques pour le monde enchanté d’Alcina avec pour revers, quand la magie n’y est plus, une scène vide de bois clair. Pour seul accessoire, une chaise qui dans les deux opéras symbolise le pouvoir. La scène est « meublée » par les chanteurs qui évoluent dans une chorégraphie élégante et dramatiquement  justifiée. Les costumes d’époque (Patrick Kinmonth aussi) sont somptueux et sobres à la fois. Les lumières latérales de Matthew Richardson peaufinent l’enchantement.

Tamerlano - Giovanni Furlanetto (Melisso), Angélique Noldus (Bradamante) © Bernd Ulhig
Tamerlano - Giovanni Furlanetto (Melisso), Angélique Noldus (Bradamante) © Bernd Ulhig

Ce cadre permet à la musique de s’épanouir et aux chanteurs de donner vie à leurs personnages en harmonie avec le livret et la dramaturgie musicale. Presque une rareté de nos jours où les metteurs en scène préfèrent nous proposer leurs versions souvent saugrenues. Depuis Drottingholm, Christophe Rousset est le partenaire de Pierre Audi pour ces opéras de Händel. A la Monnaie, il était dans la fosse et dirigeait Les Talents Lyriques dans une lecture assez stricte et nette mais fluide et bien accentuée. La musique vit et les chanteurs sont bien accompagnés, soutenus aussi par les continuos qui pourraient peut-être développer un peu plus de fantaisie.
Les distributions sont homogènes, les personnages vivants et généralement convaincants, même physiquement. Dans Tamerlano, quelques voix manquent un peu de force de projection telle Delphine Galou (un Andronico émouvant) ou Chistophe Dumaux (Tamerlano), au grave peu sonore et qui aurait pu donner plus de véhémence à son personnage. Le Bajazete de Jeremy Ovenden en a, lui, un peu trop à mon goût. Il lui manque une certaine noblesse mais son chant est expressif. Sophie Karthäuser fait une Asteria touchante à la voix limpide et au chant bien contrôlé. Irene trouve en Ann Hallenberg une interprète de luxe et Nathan Berg campe un Leone sans reproches. La distribution d’Alcina est dominée par Sandrine Piau dans le rôle-titre : voix bien conduite et claire, émotions vives et nuances magnifiques qui font de sa grande scène de la fin du deuxième acte un moment magique et bouleversant. Maité Beaumont n’a pas le physique idéal pour Ruggiero mais son chevalier a de l’allure et, surtout, chantait admirablement : une voix chaude et homogène et une belle virtuosité. Sabina Puértolas offre vivacité et voix argentée à Morgana. Angélique Noldus fait une noble Bradamante, décidée et aimante mais elle manque un peu de force de projection. Belles prestations de Chloé Briot (Oberto) et Daniel Behle (Oronte).
Erna Metdepenninghen
Bruxelles, La Monnaie, les 27 et 28 janvier 2015

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