Un écho tardif à l'art de la direction d'orchestre en URSS

par

Alexandre GLAZOUNOV (1865-1936) : Les saisons, ballet. Piotr Ilitch TCHAIKOVSKI (1840-1893) :Sérénade pour cordes opus 48. Orchestre Philharmonique de Zagreb, dir.: Dimitri KITAENKO. 2018-DDD-75'04-Textes de présentation en allemand et anglais-Oehms Classics OC 1889

La carrière de Dimitri Kitaenko est quelque peu étrange. Après un apprentissage on ne peut plus classique à Saint Pétersbourg (qui s'appelait encore Léningrad) et Moscou, ainsi qu'une victoire au premier concours Herbert von Karajan à Berlin en 1969, il devint, à 29 ans, le chef principal du Théâtre Stanislavsky, qui est toujours la 3e scène d'opéra de Russie (après le Bolshoi et le Mariinsky) et demeure d'un niveau d'une exceptionnelle qualité malgré son peu d'aura hors de Russie. Dans les années 1970, il fut invité à diriger nombre d'opéras à Moscou mais aussi dans les plus grandes villes européennes dont Vienne, Münich et... Bruxelles. Devenu chef principal du Philharmonique de Moscou en 1976, il entreprit avec celui-ci plusieurs tournées dans le monde entier avant de choisir de s'installer en Allemagne peu avant la chute définitive de l'URSS, en 1990. Chef principal des orchestres de Francfort et de Bergen ainsi que principal chef invité des orchestres de la radio danoise et du Gürzenich de Cologne, il est à la tête d'une riche discographie de plus de 250 cd. Et pourtant, malgré ces titres de noblesse enviables, il demeure fort méconnu chez nous. La raison tient peut-être au fait que, bien qu'il vive depuis longtemps en Europe de l'Ouest, il ne s'est jamais réellement occidentalisé dans son style et a conservé un « type » russe sans concession que l'on retrouve encore, parmi les chefs toujours en activité, chez Fedoseeyev, Vedernikov ou Temirkanov.

En cela, il se situe à l'opposé d'un Gergiev, par exemple, dont la carrière à 100 à l'heure a peu à peu effacé l'idiome natal pour un « standard consensuel » plus international et passe-partout. Symptomatiques, d'ailleurs, sont ses choix programmatiques, axés essentiellement sur la musique russe. Bien qu'ici à la tête de l'orchestre de Zagreb, il fait sonner la phalange croate comme un orchestre qu'on dirait tout droit sorti de l'URSS, ce qui nous vaut un ballet des Saisons de Glazounov plus slave que nature, où les couleurs somptueuses de l'oeuvre sont bien mises en valeur mais sans excès et où l'on retrouve le lyrisme intense et la respiration large des grandes baguettes soviétiques, Mravinsky, Svetlanov, Gauk, Nebolssine, Ivanov et Melik Pachaiev en tête. Une très belle réussite pour une partition de bien plus grande qualité qu'on ne le dit généralement, qui regorge de mélodies véritablement magiques et ne le cède en aucune manière devant Le lac des Cygnes ou La Belle au bois dormant. C'est d'ailleurs avec la Sérénade pour cordes du compositeur de ces derniers que s'achève ce fort beau disque, seulement désavantagé par une concurrence pléthorique.

Bernard Postiau

Son: 9 Livret: 10 Répertoire: 10 Interprétation: 10

 

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