Un Empereur très affirmé

par

Ludwig Van Beethoven (1770-1827)
Concerto pour piano et orchestre n°5 en mi bémol majeur, op. 73 « Empereur »
Robert Schumann (1810-1856) Fantaisie en do majeur, op. 17
Berliner Philharmoniker, Daniel Harding, direction – Yundi Li, piano
2014-DDD-67’01-Textes de présentation en anglais, allemand et français-Deutsche Grammophon 4810710
Avec l’Empereur de Beethoven, Yundi Li se risque à l’un des grands tubes du répertoire concertant. Œuvre de grande ampleur, complexe et mature, le Concerto n°5 est écrit entre 1808 et 1809. L’écriture de l’œuvre débute alors que la guerre entre Napoléon et l’Autriche est à son paroxysme. C’est aussi une période où l’archiduc Rodolphe et deux autres mécènes s’associent pour assurer une rente à Beethoven qui, comme unique condition, ne peut quitter Vienne. A titre de comparaison, Beethoven travaille aussi sur les manuscrits de la sonate « Les Adieux », la Fantaisie pour piano, chœur et orchestre et son Quatuor à cordes n°10. Créé par Friedrich (la surdité empêchant Beethoven de le jouer) et l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, le concerto maintient l’effectif type des autre concerti. Concerto de grande dimension, le premier mouvement à lui seul est plus long que les deux autres réunis où un large panorama d’idées nous est présenté. Le mouvement lent est une sorte de long souffle dans une atmosphère parfois surréaliste alors que le troisième, « rondo », est humoristique et joyeux. L’écriture pianistique y est plus dense, presque une imitation de l’orchestration. Avec ce concerto, Beethoven plante le décor du concerto romantique. Si l’on saisit la volonté des artistes, on pourrait reprocher un jeu un peu lourd et résolument trop présent malgré une belle énergie. L’orientation de Daniel Harding est pourtant claire et intelligente : de grandes phrases dans une volonté d’obtenir une continuité dans le discours, sans coupure, à l’image de Karajan. L’effet n’est pas toujours réussi avec l’impression de percevoir un chef à bout de souffle dont les idées (bonnes ou mauvaises) ne parviennent pas toujours à aboutir. En revanche, quelques touches personnelles marquent le discours de fraîcheur. Point très positif : la valeur, respectée, des notes. Pour le piano : technique excellente, sens de la phrase et discours clair, parfois surtimbré. Yundi Li joue avec conviction et offre une réelle progression au sein de l’œuvre, une progression plus jeune sans aucun maniérisme. Logiquement, la Fantaisie de Schumann, terminée en 1838 et dédiée à Franz Liszt, trouve sa place ici. Forme complexe et technique pianistique redoutable pour une œuvre saisissant toute l’angoisse et la douleur de la séparation d’avec Clara en 1836. Quelques rythmes syncopés type jazz ponctuent le discours d’innovations et surtout du génie de Schumann. Cette poésie, Yundi Li la saisit plus facilement. Belle construction du discours, phrasés cohérents et justes tandis qu’une belle palette de contrastes se dessine au milieu d’un jeu à la fois limpide et poétique. Ici, le pianiste ne tente à aucun moment de démontrer une sorte de prouesse technique ou autre, il est au service de la partition. Même si le résultat général est de haut niveau, on aurait souhaité le même travail dans Beethoven. Ayrton Desimpelaere Son 9 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 9

Les commentaires sont clos.