Un Falstaff tonitruant chez les druides !

par

© Carole Parodi, GTG

Pour la quatrième fois en cinquante-et-un ans, le Grand-Théâtre de Genève présente le Falstaff de Giuseppe Verdi. A l’Opéra des Nations, le rideau s’ouvre sur un tumulus grisâtre où s’encastrent deux cornes de cerf et qui pivote sur un plateau tournant : le décorateur Alexander Polzin pense-t-il évoquer ainsi l’auberge de la Jarretière ou l’intérieur bourgeois de Mr et Mrs Ford ? Se croit-on déjà dans Norma qui figurera à l’affiche de la saison prochaine ? Il faut arriver au dernier tableau pour découvrir un rideau de tulle où s’amoncellent les branchages ; mais lorsqu’il s’entrouvre, il nous révèle ce que l’on voit depuis le début ! Cette maussaderie plombe aussi les costumes années cinquante, gris, beiges et noirs, conçus par Andrea Schmidt-Futterer et les éclairages dus à Alexander Koppelmann. Et la régie de Lukas Hemleb se contente d’une simple mise en place sans provoquer le moindre sourire, ce qui est le comble dans une opera buffa !
La musique est-elle mieux servie ? Il faut d’abord relever que l’Orchestre de la Suisse Romande doit se faufiler dans une fosse exiguë et que, sous la direction ô combien précise de John Fiore, s’élève un véritable mur sonore qui contraint les chanteurs à souscrire constamment au forte, ce qui est évidence avec le Dr Cajus d’un Raul Gimenez en fin de carrière. Le Chœur du Grand-Théâtre de Genève, remarquablement préparé par Alan Woodbridge, s’accommode de la situation, tout comme le Falstaff de Paolo Gavanelli (alternant avec celui de Franco Vassallo) qui dessine un pancione assez touchant, même si l’aigu taxe lourdement ses moyens. Lui fait face le jeune baryton russe Konstantin Sheshakov qui incarne un Ford sans relief, peu enclin à la jalousie. Erlend Tvinnereim et Alexander Milev ont la complicité roublarde des valets Bardolfo et Pistola, alors qu’ils affrontent la plus convaincante des commères, la Quickly de Marie-Ange Todorovitch, toute d’aplomb et de truculence. Alima Mhamdi est une Meg Page tout aussi décidée quand Maija Kovalevska égratigne ses traits d’ornementation et prive Alice Ford de tout pouvoir de séduction en la réduisant à une virago aux accents péremptoires. Mary Feminear est une Nannetta bonne fille mais dépourvue de la poésie éthérée qui devrait nimber sa chanson féérique. Et Medet Chotabaev est le pire des Fenton entendus au cours de ces dernières années avec une grossièreté d’accent inouië alors que le « canto estasiato » de ses strophes requiert une infinie délicatesse. Une fin de saison bien morose !
Paul-André Demierre
Genève, Opéra des Nations, le 20 juin 2016

Les commentaires sont clos.