Un grand musicien discret... capté un peu tard

par

Franz LISZT
(1811 - 1886)
Etudes d'exécution transcendante
Daniel WAYENBERG (piano)
2016-DDD-61'-Textes de présentation en anglais et français-Lyrinx LYR 2297

Qu'il est gênant de critiquer un tel cd! Daniel Wayenberg est un pianiste rare, ignoré pendant des décennies et de façon inexplicable par les maisons de disques. Né à Paris en 1929, il se distingua jeune pour avoir remporté un grand prix au concours Long-Thibaud en 1949 et fait des débuts remarqués à New York en 1953, accompagné par Dimitri Mitropoulos. Musicien discret, ennemi du star system, il se consacra beaucoup aussi à la composition. On se souvient d'un album paru dans la série très justement nommée « Les rarissimes » de EMI où des enregistrements des années 50 et 60 nous révélaient un artiste d'un raffinement extrême dans les sonates de Jolivet, les concertos de Ravel, avec un formidable Ernest Bour à la baguette, un Gaspard de la nuit qui n'a pas à rougir face à Samson François, les trois mouvements de Petrouchka et, déjà, des Liszt emblématiques : Funérailles et la Mephisto-valse n° 1. On retiendra encore un album Chopin pour IMP, plus tardif, un 3ème concerto de Prokofiev, accompagné par Kubelik, des Gershwin réédités tout récemment et un peu perdu dans un copieux hommage à Georges Prêtre chez Erato (mais d'origine EMI), une formidable sonate pour violon de Janacek (couplée à une 2ème sonate de Brahms) où le pianiste était rejoint par le méconnu Théo Olof, un disque qui n'a jamais eu, sauf erreur, les honneurs du cd. On épinglera encore un 1er concerto de Tchaikovski avec Lazlo Somogyi, une inattendue Rhapsodie sur un thème de Paganini opus 43 de Rachmaninov, à Amsterdam, sous la direction de Karel Ancerl et aussi ses Brahms, inaccessibles depuis des lustres et un programme clarinette-piano avec Henk de Graaf, toujours disponible chez Brilliant. Nous en oublions certainement mais les manquants ne doivent pas être légion. D'où vient alors que nous nous sentions mal à l'aise face à ce disque? Cette intégrale des Etudes d'exécution transcendante a été captée tout récemment, en 2015. Le Français, à 86 ans, impressionne par sa vision très élaborée du chef-d'oeuvre lisztien mais, hélas, les doigts ne suivent plus tout à fait les intentions et ont perdu de leur souplesse au point d'entraver de manière irrémédiable les phrasés, l'articulation. Certaines études s'avèrent très réussies, la 7ème (Eroica) et surtout la 11ème (Harmonies du soir) en particulier; prise isolément, cette dernière mériterait sans doute un Joker. Cependant, il faut avouer que l'ensemble peine, paraît plombé et semble ne pas avancer. Un Horszowski, même à près de 100 ans, avait encore des doigts de jeune homme; il n'en est malheureusement pas de même ici. On ne peut que regretter la paresse des éditeurs à avoir laissé passer tant d'opportunités de nous donner des témoignages plus probants d'un art hors du commun. Et comme si cela ne suffisait pas, la prise de son, assez mate et manquant un peu de définition, ne rend que partiellement justice à l'interprétation. Un disque imparfait donc mais que les admirateurs de Wayenberg, dont nous faisons partie, thésauriserons malgré tout car, au-delà du relatif inconfort de l'écoute, l'on devine souvent et l'on entend parfois un pianiste immense. Ne serait-ce que pour cela, le label Lyrinx doit être remercié d'avoir eu le courage de publier ce document en hommage à un très grand monsieur, très injustement oublié.
Bernard Postiau

Son 8 - Livret 7 - Répertoire 10 - Interprétation 8

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