Un passionnant programme à l’OSR 

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Pour la série ‘Grands classiques’ de l’Orchestre de la Suisse Romande, Jonathan Nott, le directeur musical et artistique, conçoit une thématique : pour la soirée du 15 novembre, il utilise une date pivot, 1928, qui a vu la composition du Boléro de Maurice Ravel et la création des Variations pour orchestre op.31 d’Arnold Schoenberg.Comme cette œuvre cite les fameuses quatre notes si bémol, la, do et si bécarre constituant, selon la notation allemande, le sigle BACH, le chef a la judicieuse idée de solliciter l’intervention de Vincent Thévenaz, l’organiste titulaire et le carillonneur de la Cathédrale Saint-Pierre à Genève : à la tribune du Victoria Hall, celui-ci interprète une grande page de Franz Liszt, le Prélude et Fugue sur BACH. Alors que le pédalier réitère l’énoncé du motif de base, il use d’une extrême liberté de phrasé pour livrer accords, traits virtuoses et arpèges constituant la première section ; puis des mixtures de timbres, un pianissimo mystérieux tire un fugato qui accumulera les diverses strates pour aboutir à une péroraison solennelle.
Jonathan Nott enchaîne avec l’opus 31 d’Arnold Schoenberg, élaboré entre mai 1926 et août 1928 et créé le 2 décembre de cette même année par Wilhelm Furtwängler et l’Orchestre Philharmonique de Berlin. Dans la même atmosphère feutrée, le trombone glisse le dessin caractéristique, avant que ne paraisse le thème jouant sur quatre périodes de douze notes. Puis l’enchaînement des neuf variations profite de l’irisation des cordes pour laisser chanter le concertino des bois dialoguant avec le violon et le violoncelle soli ; dans une articulation remarquable de chaque segment, le chef recherche le cantabile en assouplissant les fins de phrase ; et le finale mouvementé conclura sur un véhément accord rassemblant les douze sons de l’échelle chromatique.
En vingt-quatre variations d’une tout autre saveur est élaborée la Rhapsodie que Sergei Rakhmaninov tira du 24e Caprice pour violon de Niccolo Paganini. Le soliste prévu, Sergei Babayan, étant malade, il est remplacé au pied levé par le pianiste russe Alexei Volodin. D’autant plus impressionnante est sa prestation : avec l’indomptable énergie d’un félin de race, il affiche une précision du trait ahurissante et une clarté du jeu qui vous laisse pantois ; puis sur un canevas instrumental en demi-teintes, la sonorité deviendra cristalline dans les épanchements modérés du célèbre Andante cantabile, la XVIIIe variation.
Et le concert s’achève par la page la plus jouée et la plus galvaudée de Maurice Ravel, le Boléro. Sur l’ostinato immuable du tambour, pimenté par le pizzicato des alti et violoncelles, le chef développe une longue incantation qui prend de l’ampleur dès l’intervention du basson ; continuellement, il sollicite la pulsation des cordes pour valoriser la ligne des premiers violons ; et des basses cinglantes, il tirera le tutti en ut majeur éclatant qui déchaînera les salves d’applaudissements.
Paul-André Demierre
Genève, Victoria Hall, le 15 novembre 2017

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