Un petit bijou d'hommages au Piano français...

par

0126_JOKERSolitaires
- Jehan Alain (1911-1940) 
Prélude et fugue
- Henri Dutilleux (1916-2013)
Sonate pour piano
- Maurice Ravel (1875-1937)
Le tombeau de Couperin
- Olivier Messiaen (1908-1992)
Le baiser de l'enfant Jésus (des Vingt regards sur l'enfant Jésus)
Kathryn Stott, piano
2015-SACD-68'39''-Texte de présentation en anglais, allemand et français - 1 CD BIS-2148

...ou plutôt quatre solitaires comme ces superbes diamants montés d'une pièce ! On entend ici quatre chefs d'œuvre qui résument la musique française depuis la première guerre mondiale jusqu'au début de la guerre froide.
Dans l'ordre chronologique (qui n'est pas celui de l'enregistrement), c'est Maurice Ravel qui est mis à l'honneur avec les six pièces de son tombeau de Couperin, sa dernière composition pour piano solo entamée en juillet 1914 et donnée en première par Marguerite Long en avril 1919. Chaque mouvement a été dédicacé à des morts de la grande guerre, parmi ceux-ci, le prélude au lieutenant Jacques Charlot, un cousin de Jacques Durand, l'éditeur de Ravel, le menuet à Jean Dreyfus, le demi-frère de Roland-Manuel, l'ami et le futur biographe de Ravel et la Toccata au capitaine Joseph de Marliave, l'époux de Marguerite Long. Dans son esquisse biographique, Ravel dit de cette suite : l'hommage s'adresse moins en réalité au seul Couperin lui-même qu'à la musique française du XVIIIe siècle. Le critique musical Antoine Golea va encore plus loin lorsqu'il dit que c'est une courageuse synthèse visionnaire de presque cent cinquante années de musique, du Bastien et Bastienne de Mozart à l'Iberia d'Albeniz.
Le deuxième compositeur, Jehan Alain, le frère de l'organiste, Marie-Claire Alain, sera une des premières victimes de la seconde guerre mondiale en juin 1940. Le prélude et fugue enregistré ici est le regroupement artificiel d'un prélude de forme libre pour piano et d'une courte fugue chromatique "à la Schoenberg" pour orgue de 1935.
L'immense cycle des vingt regards sur l'Enfant-Jésus a été écrit par Olivier Messiaen en 1944 pour son élève Yvonne Loriod qui deviendra sa seconde épouse en 1961 après la mort en 1959 de Claire Delbos suite à une longue maladie mentale. Kathryn Stott a choisi ici le quinzième regard, le baiser de l'Enfant-Jésus, un des grands mouvements lents du cycle, écrit dans le mode favori du compositeur si proche de la tonalité de fa dièse majeur.
C'est Geneviève Joy, l'épouse du compositeur Henri Dutilleux, qui crée aussi sa sonate en 1948. Héritier de la grande tradition française, Dutilleux conserve la tradition de la sonate en trois mouvements : Allegro con moto, Lied assez lent, Choral et quatre variations. Son langage combine adroitement la forme assez classique ravélienne avec un chromatisme fortement atonal. Son piano symphonique qui alterna avec sa palette colorée et ses tempi reposants conviennent superbement aux différentes atmosphères que respirent ces quatre pièces maitresses de la première moitié du siècle dernier.
Kathryn Stott est à la hauteur de la gageure qu'elle s'est imposée avec ce programme d'œuvres de difficultés transcendantes.
Si vous aimez les récitals, cette belle compilation de Kathryn Stott sera sans contexte un bijou de votre CDthèque.
Jean-Marie André

Son 10 – Livret 9 –  Répertoire 10 – Interprétation 10

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