Un premier petit bilan

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Il y a 24 élus sur les 76 candidats retenus des 318 vidéos envoyées par des candidats du monde entier. Les chiffres et les nationalités n'ont plus pour but de faire le relevé des "Grandes Ecoles de Piano" comme c'était le cas naguère, mettant "en compétition" la Juilliard School de New York et le Conservatoire de Moscou. Dans le jury d'alors, de hauts représentants de chacune des Ecoles, des délibérations à n'en plus finir, des joutes oratoires, des combats homériques. Qui des Russes ou des Américains, et surtout combien, occuperaient les trois premières places ?
Et puis les Japonais sont arrivés. On se souvient de la prestation de la violoniste Yuzuko Horigome (1980), tout en poésie, loin des combats homériques, formée totalement au Japon. Les Chinois ont suivi en nombre pour devenir ensuite moins nombreux, laissant la place aux Coréens qui, aujourd'hui, figurent aux meilleurs rangs de la plupart des grands concours internationaux.
Cette réflexion sur les nationalités n'a plus rien à voir avec les Ecoles -puisque notre époque développe la mondialisation et que tous se forment partout- mais elle permet d'évaluer l'état de santé de la musique dans les différents coins du monde. Les chiffres attestent que 318 jeunes pianistes se sentaient à même d'affronter un des plus grands concours internationaux, étaient de ceux pour qui l'instrument -à défaut parfois de la musique- emplit quasi chaque minute de leur vie. Le Concours ne communique pas sur les 318 pianistes inscrits. Mais 76 d'entre eux ont passé le cap de la "première épreuve" parmi lesquels 22 Coréens. Il en reste 7 aujourd'hui, soit un tiers; ce tiers est le pourcentage qui apparaît dans la plupart des cas (3/8 +1 USA, 2/6+1 Russe, 2/7 Japonais, 2/6 Chinois). Se détachent les Italiens (2/2), les Ukrainiens (2/3), et les 1/1 Croate, Thaïlandais, Tchèque, USA/Chine). L'Europe fait donc fort pâle figure et cela ne manque pas de faire froid dans le dos dans la mesure où c'est en Europe que se trouvent les racines des répertoires demandés dans les concours. C'est d'autant plus surprenant que la plupart des membres du jury de ces premières éliminatoires sont eux-mêmes Européens (Belgique, Grande-Bretagne, Allemagne, France, Bulgarie), posant leurs jugements sur leurs propres archétypes forgés aux racines de leur culture. Même s'ils ont été formés à d'autres sources que leurs eaux nationales, les Asiatiques ont donc pu faire leurs nos schèmes de pensée. Cela ne manque pas de faire penser avec inquiétude à notre "Vieille Europe". Car parmi les 24 demi-finalistes, on ne rencontre pas d'Allemand (1 représentant parmi les 76), pas de Français (ils étaient 5 à se présenter), pas de Belge (sur les 2), pas de Hongrois (sur 1), tous ces pays qui sont le berceau de notre musique. Ce sont les Italiens et le Tchèque qui sauvent la mise !
Un autre constat apparaît depuis quelques années : on ne rencontre plus les petits génies de 16 ou 17 ans tels Ekaterina Novitskaya ou Vadim Repin. Parmi les demi-finalistes, 19 sont âgés de 24 ans et plus; 7 d'entre eux ont entre 28 et 30 ans. Un concours qui évolue vers la recherche de la musicalité et de la maturité lorsqu'il y a plus de 800 concours de par le monde ? La suite des "carrières" de chacun sera un bon critère d'évaluation.
Mais nous n'en sommes qu'aux demi-finales. Reste la périlleuse épreuve du Concerto de Mozart et du récital... A suivre...
Bernadette Beyne

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