Un programme composite pour découvrir un jeune talent français.

par
Debargue

Johann Sebastian BACH
(1685 - 1750)
Toccata en do mineur BWV 911
Ludwig VAN BEETHOVEN
(1770-1827)
Sonate pour piano n°7 en ré majeur op. 10/3
Nikolai MEDTNER (1880-1951)
Sonate pour piano en fa mineur
Lucas DEBARGUE, piano
2017- DDD-70'59"-Textes de présentation en anglais, français et allemand - SONY Classical 88985341762

Un pianiste hors-norme ! Lucas Debargue n'aborde le piano qu'à l'âge de 11 ans et l'abandonne ensuite pendant trois ans pour poursuivre des études supérieures. Il y revient en 2010 à 20 ans et est formé par Rena Cherecheveskaïa et par Jean-François Heisser au CNSM de Paris avant un passage à l'école de musique Alfred Cortot. Il est projeté sous le feu des projecteurs lors de sa participation au Concours Tchaïkovski de 2015 à Moscou ; il n'y obtient qu'une quatrième place polémique qui partage la critique musicale. Des personnalités comme Boris Berezovski et Denis Matsuev, membres du jury, ou Valery Gergiev le portent aux nues. Pas de doutes donc, c'est un pianiste controversé ! Il est, en effet, atypique et le montre dans ce programme enregistré en studio (au contraire de son premier enregistrement capté en public qui comportait le Gaspard de la nuit de Ravel, des sonates de Scarlatti, la 4ème ballade de Chopin, une pièce lyrique de Grieg et un moment musical de Schubert). Ici, Debargue échantillonne deux siècles de l'histoire de la musique : du Bach, du Beethoven et un Medtner moins connu que ses illustres prédécesseurs.
Dès les premières notes de la toccata, on perçoit le "pianisme" français (excusez le néologisme!), qui n'est pas sans évoquer le tic toc choc de Couperin. L'option choisie est de distiller sur un ton d'improvisation les traits qui ouvrent et clôturent la pièce ou permettent la respiration entre l'adagio et l'allegro moderato de la fugue. Dans cette dernière, je préfère, personnellement, la clarté contrapuntique d'une Angela Hewitt ou du controversé Glenn Gould, même si la fugue n'est qu' "à trois voix".
Dans la sonate de Beethoven, le jeu relativement sec du pianiste se confirme dès les premières mesures du presto initial. On pourrait regretter un deuxième mouvement, le sublime largo e mesto, un brin trop lent, mais joué avec une belle et triste intériorité. Le rondo allegro final retrouve l'humour du maître Haydn. Malgré la critique, on perçoit ici l'éclosion d'une réelle personnalité musicale.
La vraie découverte réside dans l'écoute de la Sonate op. 5 de Medtner ; ce compositeur, contemporain de Rachmaninov et de Scriabine, nous en a laissé une dizaine d'autres, déjà brillamment mises en valeur par Marc-André Hamelin. C'est avec Medtner que Debargue a le plus d'affinités ; le caractère épique de cette longue sonate, plus de trente quatre minutes, qui était déjà à son programme lors du Concours Tchaïkovski, convient particulièrement bien à la fougue du jeune pianiste.
Dans un livret très économe (deux pages par langue), Bertrand Boissard élabore sur la "puissance de la forme" soulignée par la rigueur formelle des trois oeuvres choisies. Dans une interview pour France Musique en 2015, Lucas Debargue dit : je ne me fais aucun souci pour l'avenir de la musique. Il y a encore tant de choses à découvrir, à explorer, c'est exactement pareil que la physique quantique. Voilà qui est dit ! Place donc à la découverte du beau son de ce piano Bechstein hypnotisé par les doigts d'un artiste dont on entendra encore parler.
Jean-Marie André

Son 9 – Livret 6 –  Répertoire 10 – Interprétation 8

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