Un simple opéra pour enfants et/ou un avenir pour l'opérette ?

par

Robert le Cochon et les kidnappeurs
(Marc-Olivier Dupin)
"L'Opéra-Comique est le théâtre préféré des familles, toutes générations confondues, depuis bientôt ... 300 ans !"s'exclame Jérôme Deschamps au terme de son mandat à la Salle Favart. La salle était pleine d'enfants et de parents, en effet, pour ce charmant conte de Marc-Olivier Dupin, sur un livret d'Ivan Grinberg. Créé en 2005 et paru en livre-disque, l'ouvrage a cette fois été mis en scène pour l'Opéra-Comique, un Robert le cochon 2 en quelque sorte, après une discussion avec Olivier Mantéi, alors directeur-adjoint et à présent successeur nommé de Jérôme Deschamps. Un exemple parfait de continuation de l'entreprise... Né de l'univers de Grinberg qui, le soir, racontait des histoires à ses filles, ce petit opéra d'une durée d'une heure et quart seulement raconte les aventures toutes simples de Mercibocou le loup, qui est "kidnappé" par Louyaplu le traqueur, mandaté par Trashella, propriétaire d'une vaste forêt-dépotoir où vit tout un petit monde, comme Nouille, la mignonnette grenouille, qui construit une fusée, Ferdinand le gardien muet pas trop futé, le Vieux Hibou qui voit tout et, bien sûr, Robert le cochon, qui dort tout le temps, et dans la boue en plus. Les amis vont donc tenter de délivrer leur ami le loup avec la complicité de l'immense Lune qui les surplombe. Rassurez-vous, tout finira bien, et... ingénieusement : Louyaplu se dégonfle comme une baudruche et se volatilise. Trashella et Ferdinand, tombés amoureux, autorisent Nouille à construire de nouvelles fusées. L'intrigue a fort amusé les enfants qui riaient à gorge déployée, posaient des tas de questions et parlaient tout le temps. Tous ces chanteurs-acteurs s'amusaient aussi, jouant avec les multiples accessoires du dépotoir (ordinateurs, chaises, machines à laver, morceaux de fusée) sous la direction goguenarde du Hibou narrateur de Damien Bouvet. Marc Mouillon, ténor, dans le double rôle de Robert le cochon et de Louyaplu, a charmé par un bel engagement lyrique, et Paul-Alexandre Dubois, baryton, en faisait juste assez dans Mercibocou. Les deux dames ont séduit, Donatienne Michel-Dansac dans sa pétillante et virtuose Nouille (la partition n'est pas facile) et Edwige Bourdy, en "méchante" rappelait fort la Cruella de Walt Disney : toutes deux ont été très, très applaudies. Le petit orchestre, richement doté de percussions, était dirigé par le compositeur. Que dire enfin de la musique de Marc-Olivier Dupin ? Elle est pertinente, réalisant un parfait équilibre entre deux styles, celui de la comédie musicale, mais aussi celui de l'opérette traditionnelle. Si le premier de ces genres imprègne pas mal d'airs et de duos entraînants, avec un zeste du Chostakovitch des suites de jazz, le vrai style d'opérette se distingue dans le duo Louyaplu-Nouille au début, par exemple, mais aussi dans les lamentations du pauvre loup encagé ou un très étonnant quatuor à l'écriture soignée. Et que dire de la csàrdàs finale, super endiablée ? A l'issue du spectacle, chaleureusement applaudi, on pouvait imaginer -enfin- que l'opérette n'était pas un genre révolu. Grâce à des talents musicaux raffinés comme celui de Marc-Olivier Dupin, il peut parfaitement revivre. Dans une époque comme la nôtre, le genre paraît plus difficile, c'est vrai, mais n'a-t-il pas fleuri dans un temps qui n'était pas nécessairement moins tragique? La joie et la bonne humeur sont éternelles. Merci à la salle Favart de participer à un renouveau attendu.
Bruno Peeters
Paris, Opéra-Comique, le 14 juin 2014

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