Un touchant hommage francophile

par

Douce France
Mélodies et chansons françaises

Anne Sofie VON OTTER, mezzo-soprano - Bengt FORSBERG, piano - Antoine TAMESTIT, alto - Björn GÄFVERT, harmonium
2013-1h44-2 CD- présentation en français, anglais et allemand-Textes et chanté en français - Naïve V5343
Parfaitement francophone, européenne autant que suédoise, cette grande dame du chant offre ici une confidence amoureuse qui représente beaucoup plus qu'un aveu. Car après avoir notamment consacré un album d'avant garde à la compositrice vésigondine Cécile Chaminade, admirée par Liszt, Bizet et tous ses pairs, après avoir incarné une Mélisande d'anthologie, puis une Geneviève à l'admirable phrasé, des airs d'opérette étourdissants de verve ou d'exquises chansons du XVII ème siècle français -hélas,si méconnu !- ici, comme en aparté, elle passe du salon de Reynaldo Hahn, Fauré et Saint Saëns aux chansons de Trenet, Barbara ou Legrand. Des airs au fil du XX ème siècle comme « en déshabillé ». Hétéroclites, évidemment ! D'inégales réussites, tout autant !
Le CD 1 présente des mélodies du début de siècle, interprétées avec l'art qu'on lui connaît, parmi lesquelles on retiendra les très rares et formidables trios avec alto (Antoine Tamestit) « La cloche fêlée » et « La Sérénade » de Charles Martin Loeffler (1861-1935). Répertoire déjà entrevu avec un joli disque de Mitsuko Shirai, Hartmund Höll et Tabea Zimmermann il y a une vingtaine d'années. On regrette que la sensationnelle « Danse macabre » de Saint Saëns soit réduite de moitié et « arrangée » par le pianiste Bengt Forsberg. Ce dernier était-il le pianiste le plus approprié pour aborder et arranger les chansons populaires du deuxième CD ? Ce n'est pas certain. Car voilà des oeuvres qui demandent autant de poésie, d’ambiguïté que de « tripes », organiquement liées à leur interprète. Pour les mélodies de Debussy, Fauré, Ravel Hahn dont nous n'avons quasiment pas d'enregistrement de référence et qui peuvent être chantées de multiples façons, toutes intéressantes, la musique n'est pas confondue avec l'interprète. Mais le timbre, les glapissements, la raucité ventrale brusquement flûtée en voix de tête de Barbara font partie intrinsèque de ses chansons, tout comme le swing chaloupé interlope et un peu précieux de diction, de Charles Trenet. Ainsi, « la vie en rose » sonne, ici, bien trop lisse et intimiste quand on a dans l'oreille la rage et l'extase contenues de la fille des rues que fut toujours Edith Piaf. Sans imiter, il faut inventer (les orchestrations ne suffisent pas) : c'est la quadrature du cercle ! Qui fonctionne avec beaucoup plus de bonheur dans le répertoire populaire italien chanté par tant de voix que Roberto Alagna peut y joindre sa fougue et sa personnalité propre sans dommage.
Bénédicte Palaux Simonnet

Son 8 - Livret 8 - Répertoire 7 - Interprétation 8

Les commentaires sont clos.