Un vertige romantique ?  

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© GTG/Gregory Batardon

Avec ‘Vertige romantique’, le Ballet du Grand-Théâtre de Genève achève sa saison en présentant deux créations, ‘Fallen’ du chorégraphe canadien Andrew Skeels et ‘Return to Nothingness’ de la Slovaque Natalia Horecna.
Selon Andrew Skeels, le choix de son titre n’est pas anodin car le terme ‘fallen’ peut signifier en anglais perdre le contrôle, tomber ; mais il peut vouloir dire aussi muter d’un état à l’autre, tomber amoureux ou tomber malade. Donc, comme il le dit lui-même, « avec ma chorégraphie, j’explore à la fois la gravité et le changement en faisant évoluer les danseurs au gré de la richesse du terme ». Et c’est bien cette attirance vers le sol que dégagent les vingt danseurs, déferlant comme la houle face à un décor sobre rappelant les chênes calcinés de Caspar David Friedrich selon une scénographie du tandem ‘On aura tout vu’ (composé de Livia Stoinova et Yassen Samouilov) et de suggestives lumières dues à Rémi Nicolas. Au-devant de la scène, un remarquable pianiste moscovite, Sergey Koudriakov, dialogue avec une toute aussi notoire mezzosoprano pétersbourgeoise, Irina Shishkova : se succèdent ainsi cinq des plus belles mélodies de Tchaikovsky, entrecoupées de pages pour piano de Robert Schumann, dont trois issues du recueil des ‘Kinderszenen’. Sur le plateau, les corps déambulent sans intention apparente, ploient sous la tension du moment qu’un danseur traduira par une exaltation spastique avant d’enlacer l’une de ses partenaires en quête de pardon. Puis tous deux s’assimilent à l’ensemble, prostré sur terre, alors que le piano égrène « Abschied » des ‘Waldszenen’ et « Der Dichter spricht » des ‘Kinderszenen’.
Revers de médaille avec ‘Return to Nothingness’ de Natalia Horecna. Christiane Achatzi plante un décor carton-pâte figurant les murailles d’un château médiéval encadrant la façade d’une demeure XVIIIe cossue. Le Roi porte couronne sur gilet et short délavé, son Conseiller, la livrée de valet sur cuissettes noires et atroces brodequins rouges face à quatre pimbêches vêtues de blanc et quatre jardiniers courant en tous sens. Cinq ministres s’agitent comme des queues de vache, car le monarque veut se plonger dans le néant afin de retrouver le véritable amour. Dans ce fatras, une seule belle image : un couple rose, presque dénudé, ose s’étreindre avec tendresse, alors que, dans un halo bleuté, paraît une jeune fille (Diana Duarte), symbole de pureté. Mais que d’inepties figuratives se chevauchent à cadence infernale, tandis que, dans la fosse, le pianiste Sergey Koudriakov est rejoint par la violoniste Claire Dassesse et le violoncelliste François Guye pour interpréter l’un des chefs-d’œuvre de la musique de chambre, le Deuxième Trio en mi bémol op.100 de Franz Schubert. Une musique sublime galvaudée par un ballet ridicule que l’on pourrait intituler ‘Return to Emptiness’.
Paul-André Demierre
Genève, Opéra des Nations, le 19 Juin 2018

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