Un violoncelle de génie à l’OSR

par
Johannes Moser

Dans le cadre de sa série ‘Grands classiques’, l’Orchestre de la Suisse Romande invite pour un soir le jeune chef d’orchestre britannique Jamie Phillips, premier prix du concours de direction ‘Nestlé’ au Festival de Salzbourg de 2012, ainsi que le violoncelliste germano-canadien Johannes Moser.

La première partie du programme est consacrée à Joseph Haydn et débute par l’ouverture pour L’Isola disabitata, azione teatrale en deux parties jouée au Château d’Esterhaza le 6 décembre 1779. S’y impose d’abord un tragique un peu mystérieux qui dépeint le désarroi de Costanza croyant avoir perdu son époux. Mais le Vivace assai contraste par une effervescence jubilatoire exprimant le courage de sa sœur Silvia qui joue d’accents péremptoires afin de révéler ses traits d’esprit, tandis que l’Allegretto du menuet laisse présager d’un heureux dénouement.
Intervient ensuite Johannes Moser, lauréat du Premier Prix du Concours Tchaikovsky 2002 et Prix Brahms en 2014. D’emblée, faut-il parler d’un violoncelle de génie ? Le mot ne semble pas trop fort, car, dès les premières mesures du Premier Concerto pour violoncelle en ut majeur Hob.VII b : 1, s’élève un son racé qui prend part au tutti avant de laisser rayonner la précision du trait avec un brio qui lui permet de se jouer de n’importe quelle difficulté, tout en glissant un regard complice à ses collègues de pupitre ; la cadenza de ce Moderato suscite d’étranges inflexions, alors que l’Adagio confère expressivité à toute tenue, à toute phrase dans un pianissimo qui apparaît intemporel. Et le Finale devient ébouriffant d’espièglerie comme si l’artiste s’amusait de ses tours pimpants. En bis, le soliste reprend le dialogue avec l’ensemble pour nous proposer un Andante cantabile de Tchaikovsky, émouvant jusqu’aux larmes dans une langueur qui défie le temps.
En seconde partie, Jamie Phillips juxtapose le Dvorak de la Sérénade op.44 et le Prokofiev de la Symphonie Classique. Ecrite en 1878 pour dix instruments à vent, un violoncelle et une contrebasse, cette page si particulière du musicien tchèque est abordée comme une marcia joyeuse que la clarinette enjolive de quelques variations ornementales. Le Minuetto se pare ici des charmes agrestes de la sousedska, sorte de ländler à la morave, dont le Presto dégagera le côté burlesque. La clarinette chante ensuite sa nostalgie dans un Andante que commentent hautbois et cors. Et l’Allegro molto conclusif arbore l’énergie d’un Furiant avant que ne revienne le thème pastoral du début.
Quant à la Première Symphonie en ré majeur op.25 de Sergei Prokofiev, elle est prise dans un tempo rapide dont les phrasés ailés expriment l’allégresse ; le Larghetto sourit sous un pianissimo suave, dont la Gavotte révèlera la cocasserie. Et les traits rapides fusent dans un Finale enjoué qui aura pour pendant celui de la Suite tchèque de Dvorak donné en bis.
Paul-André Demierre
Genève, Victoria Hall, le 31 janvier 2018

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