Un voyage haut en couleurs

par
Boris Belkin

Boris Belkin D.R.

Chostakovitch (1906-1975) : Ouverture de fête, Op. 96 – Concerto pour violon et orchestre n°1, Op. 77
Nikolai Rimski-Korskov (1844-1908) :
Shéhérazade, Op. 35
Orchestre Philharmonique Royal de Liège, Christian Arming, direction - Boris Belkin, violon

Une semaine après la Cinquième de Prokofiev, l’OPRL se démarque à nouveau dans une soirée aux couleurs russes. Jesus Lopez Cobos, chef prévu pour cette série, nous ayant quittés brutalement il y a seulement quelques jours, c’est finalement l’actuel directeur musical, Christian Arming qui a repris la baguette au pied levé. Devant une salle comble visiblement conquise d’avance, le maître des lieux nous a livré une vision très personnelle et particulièrement intéressante des trois pièces proposées ce soir. Des pages qui ne manquent ni de couleurs ni de dynamiques mais qu’il convient de connaître et maîtriser pour en trouver toutes les caractéristiques essentielles, et éviter de fait le piège de la facilité. Ainsi, après une entrée à la fois grandiose et solennelle, Christian Arming s’expose comme un architecte dans l’Ouverture de fête de Chostakovitch. Jouant d’un côté avec les nuances de la partition, il propose d’un autre un agencement judicieux des différents épisodes que compte cette courte ouverture. Il n’hésite d’ailleurs pas à solliciter de l’orchestre des contrastes saisissants obligeant l’ensemble des musiciens à entretenir une écoute permanente et réciproque. Avec le violoniste Boris Belkin, Christian Arming démontre comme souvent qu’il est un excellent accompagnateur et technicien de la baguette. Sa lecture de cette page concertante redoutable est en tout point remarquable, laissant le champ libre au soliste pour s’exprimer le plus naturellement possible. Ainsi, son violon passe volontiers d’un caractère acide à un jeu plus enjoué, drôle, pétillant, lyrique, sournois… bref une somme de qualités qui ne s’essouffle jamais (et quelle cadence !). La balance est idéale, le dialogue permanent. Il y a clairement dans cette proposition une réelle sensibilité et un état d’esprit bienveillant de la part des uns et des autres. A Bozar le 13 février 2014, nous avions déjà pu assister à une lecture de Shéhérazade par l’OPRL et Christian Arming. Quel plaisir de voir un orchestre en si bonne forme (on excusera, étant donné la qualité de la prestation, les micros accidents qui n’ont en rien dérangé ou déstabilisé la prestation) et qui a tant évolué depuis cette date. Tout est ici envoûtant – en rajoutant à cela un jeu d’éclairages dans la salle pour rentrer au plus profond du medium musical -, dosé et subtil. Par sa vision personnelle, c’est surtout la manière dont Christian Arming amène les choses qui resplendit ici. C’est un travail de longue haleine sur l’intégralité des quatre épisodes que l’orchestre et son chef ont effectué ce soir. Les couleurs sont douces, tantôt majestueuses, tantôt impétueuses. La direction est toujours aussi souple et marque clairement un point d’honneur sur la place des respirations pour la construction des phrases. Voilà un orchestre qui chante grâce notamment à des solos qu’il convient de saluer. Une pensée chaleureuse pour George Tudorache qui a livré ce soir un récit tant expressif que naturel. Tout est beau et toujours à propos. Une très belle soirée donc, un moment qu’il ne fallait pas rater.
Ayrton Desimpelaere
Liège, Salle Philharmonique, le vendredi 23 mars 2018

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