Une autre version de la Romantique de Bruckner

par

Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n°4, Romantique (Version 1878/1880)
Orchestre de la Suisse Romande, Marek Janowski, direction
2013-SACD-63'27''-Textes de présentation en anglais, allemand et français-Pentatone classic- PTC 5186 450

Marek Janowski conclut son cycle Buckner avec la Symphonie no°4, Romantique. A la tête de l'Orchestre de la Suisse Romande (qui signe l'intégrale de l’œuvre), c'est la version de 1878 avec le Final de 1880 qu'a choisit le chef. Pour rappel, cette partition est sans doute celle qui subit le plus de transformations et dont l'histoire est complexe. Grâce au travail de Manfred Wagner, Thomas Röder et Wolfram Streinbeck, la lecture de cette œuvre est plus aisée aujourd'hui et la clarification entre les différentes versions est désormais acquise. 14 années furent nécessaires à Bruckner pour l'élaboration de ce sommet (1874-1888). Trois versions coexistent correspondant à trois phases créatrices : 1874, 1878-1880 et 1886-1889. En période de crise – Bruckner venait de perdre son poste d'instructeur à l'institution éducative des professeurs -, le compositeur décide d'entamer sa Quatrième symphonie seulement trois jours après la fin de sa Symphonie n°3. Alors organiste de la Cour Impériale de Vienne, le caractère triomphal et grandiose de l'orgue se perçoit très vite dans l'écriture de la symphonie. Les corrections qu'effectuent Bruckner sont minimes : orchestration retouchée, altérations rythmiques, remplacement de mesures individuelles... le tout dans le but de fluidifier l’œuvre. Rzehulka considérait cette page comme « de la nature en tant que musique ». D'ailleurs, ponctuées de descriptions poétiques, l’œuvre présente des images caractéristiques de la nature, notamment avec le Scherzo de chasse qui, par les différentes incises des cuivres, symbolise les fanfares en plein air ainsi que les différentes sonneries et appels. A l'image d'autres enregistrements de Janowski, la direction musicale du chef est précise et compréhensive. Malgré tout, certaines parties nous paraissent trop rapides. Le dernier mouvement est beaucoup trop allant, effaçant avec regret le côté introspectif du début. Aussi, l'immense travail sur les enchaînements harmoniques se voit doublé par une énergie stressante enlevant de moitié la dramaturgie. Le chef ne prend pas le temps de modeler l'accompagnement (violon II) et la structure générale manque d'orientation. Tempo idéal pour le premier mouvement, aussi un peu plus allant. Les crescendos sont brillamment menés mais les parties larges et de transition ne sont pas toujours développées à l'extrême (il faut dire que l’œuvre est très longue). Beau contrôle des cuivres qui ne dépassent aucun pupitre. Certaines dynamiques et accents manquent de tonus et pourraient être franchement assumés. Une impression de platitude se dégage malheureusement de certaines parties. La pâte sonore reste néanmoins convaincante sans aucune sécheresse. Le second mouvement est également allant. Tempo justifié par le dessein mélodique. Excellent rapport métrique et musical entre les parties contrastantes tandis qu'un travail impressionnant est effectué sur les sonorités. Le troisième mouvement est le plus réussi. Fanfare précise, juste et énergique. Coups d'archets précis, dynamique. Le trio est doux, calme est apaisant.
Une symphonie romantique en demi-teinte, d'un niveau honorable mais qui aurait pu être nettement plus convaincante. Janowski propose son style, sa perception, loin des enregistrements historiques d'un Celibidache. Le livret de Franz Steiger est intelligemment construit et riche d'informations.
Ayrton Desimpelaere

Son 9 – Livret 10 – Répertoire 9 – Interprétation 8

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