Une double casquette pour Leonidas Kavakos 

par
Kavakos

Pour l’un des concerts de la série ‘Symphonie’, Leonidas Kavakos est à la fois le soliste et le chef de l’Orchestre de la Suisse Romande. Heureusement, la double casquette ne concerne qu’une seule œuvre, le Cinquième Concerto en la majeur K.219 de Mozart.

Nombre de grands violonistes tels qu’un Menuhin ou un Oistrakh autrefois, un Joshua Bell aujourd’hui, ont voulu mener de front ce double jeu avec des bonheurs divers. Et Leonidas Kavakos n’échappe pas à la règle, tant sa recherche de nuances dans les premières mesures de l’Allegro aperto disparaît dès le moment où il attaque son solo : sa sonorité est racée mais peu grande ; et le tutti, beaucoup trop fort, n’en fait qu’une bouchée. Par contre, sa ‘cadenza’ est présentée avec une liberté de phrasé qui lui suggère ensuite une clarté de ligne pour l’Adagio, un grain beaucoup plus brillant mais fibreux dans le Rondò où la turquerie médiane manque singulièrement de précision. Mais la musique pure retrouve ses droits dans un adagio de Bach souverain donné en bis.
Pour le reste du programme, Leonidas Kavakos n’est plus que le chef d’orchestre, et tant mieux ! En coloriste patenté, il présente d’abord une brève Suite de Bela Bartok, les Images hongroises Sz.97 en jouant du rubato de la clarinette et d’une flûte émoustillée pour dépeindre une nuit dans un village de Transylvanie ; puis trombones virulents et percussion imitent les pas grotesques d’un ours dansant que repoussera la tendresse nostalgique d’une mélodie s’entrouvrant comme une fenêtre sur jardin luxuriant. La drôlerie refait surface avec des cuivres titubants comme un paysan plus qu’éméché, cédant la place aux bois qui imprègnent de gaieté rustique la danse du porcher.
Et le concert s’achève par les Tableaux d’une Exposition de Moussorgsky proposés dans l’orchestration fabuleuse de Maurice Ravel. Le chef en profite pour prêter un tour cérémonieux à la Promenade, lourdement cinglant à Gnomus, tandis qu' Il vecchio Castello est exécuté lentissimo à la détrempe et que Bydlo s’enfonce inexorablement dans la gadoue. Tuileries émerge sous les accents ironiques des bois puis sous le reflux des cordes, alors que les poussins trillent dans leur coque sous le sourcil renfrogné de Goldenberg et Schmuyle. Le Marché de Limoges est traversé dans une course effrénée, obstruée par des Catacombes dont un tremolo pianissimo dégage le mystère inquiétant. Mais paraît Baba Yaga triomphante, marmonnant ses méchantes prédictions avant de s’écraser sur la Grande Porte de Kiev, rutilante sous ses cuivres dorés, laissant filtrer les bribes d’un choral en pianissimo que happeront de fluides cloches déclenchant un Finale ‘mastodonte’ qui fait effet sur le public.
Paul-André Demierre
Genève, Victoria Hall, le 25 avril 2018

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.