Une ‘Flûte’ désenchantée à Genève

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Avant d’atteindre la scène du Grand-Théâtre, la nouvelle production de ‘Die Zauberflöte’ a suscité bien des remous ; car pour d’obscures raisons idéologiques, la mise en scène de Daniel Kramer a été rejetée pour être remplacée, en dernière minute, par celle que Jürgen Rose avait conçue en 1996 pour le Stadttheater de Bonn.

Le jeu en valait-il la chandelle ? Un quadrilatère jaunâtre couvert de graffiti, en équilibre instable, sert de cadre à une action qui s’éternise sous l’égide d’un ‘Ku Klux Klan’ sacerdotal arborant masques blancs, tenues d’escrimeur et burnous sombres d’une extrême laideur ; et les femmes du peuple ne laissent apparaître que le bout de leur nez sous de pesants voiles tout aussi noirs. Finalement, l’on se prête à sourire lorsque les trois Dames écrasent un gigantesque serpent plastifié échappé d’un film de Méliès ou que pointent les Garçons, tennismen en herbe, houspillant les protagonistes qui, pour le bonheur des spectateurs, ont droit à des costumes bariolés. La composante musicale est mieux servie par la baguette du jeune chef hongrois Gergely Madaras qui cultive la fluidité des lignes dans le tissu concocté par l’Orchestre de la Suisse Romande et le Chœur du Grand-Théâtre de Genève (préparé par Alan Woodbridge). Eblouissante, la Reine de la Nuit de Svetlana Moskalenko émet avec une justesse absolue ses ‘contre-fa’ face à une Pamina (Pretty Yende) à l’intonation vacillante dans « Ach, ich fühl’s » mais qui a pour elle l’éclat de la jeunesse. Plus convaincant apparaît le Tamino de Stanislas de Barbeyrac à l’indéniable musicalité et à la diction soignée, qualités que possèdent le couple ‘bon enfant ‘ Papageno-Papagena d’Andreas Wolf et d’Amelia Scicolone, ainsi que le Monostatos roublard de Loïc Félix. La déception émane du Sarastro en méforme de Jeremy Milner, formidable Hagen du ‘Götterdämmerung’, qui ne retrouve pas ses marques dans Mozart, pas plus que le Wotan de Tom Fox qui s’est fourvoyé en Orateur. Totalement disparates, le trio des Dames (Emalie Savoy, Inès Berlet, Lindsay Ammann) et celui des Garçons (des Zürcher Sängerknaben) avec un soprano en passe de muer. Que tout cela semble longuet en période de fêtes !
Paul-André Demierre
Genève, Grand Théâtre, le 26 décembre 2015

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