Une heureuse coproduction

par

Zurga (Lionel LHOTE) et Leila (Anne-Catherine GILLET )

Les Pêcheurs de perles (Bizet) En juin 2012, à l'Opéra Comique, je me réjouissais déjà de revoir cette belle production à l'Opéra Royal de Wallonie. La chose est faite, et l'enchantement a eu lieu une seconde fois. Légèrement amendée, la mise en scène du Japonais Yoshi Oïda interpelle toujours autant. L'orientalisme inhérent à l'opéra de Bizet est transcendé : l'île de Ceylan, si "pittoresque" en 1863, est remplacée par la baie d'Okinawa, dont les pêcheurs vivent comme il y a 150 ans. Oïda emplit l'espace par ce qu'il appelle un "exotisme d'aujourd'hui", tout intérieur, basé sur les sentiments passionnés portés par les acteurs. Les décors seront sobres, presque austères, sculptés par les lumières raffinées de Fabrice Kebour, les accessoires, réduits à l'essentiel : quelques paniers, des coques de bateaux se transformant en nacelles ou en croissants de lune. L'action sera intérieure, portée par quatre solistes exceptionnels, tous de l'excellente école belge actuelle, à l'articulation exemplaire. Anne-Catherine Gillet apparaît voilée, sur un accompagnement d'un simple quatuor à cordes : moment de majesté hiératique. Très à l'aise dans un rôle que l'on croirait écrit pour elle, la jeune star donne le meilleur d'elle-même dans sa si pure cavatine "Comme autrefois" tout comme dans le duo sentimental qui enchaîne. Timbre prenant, maîtrise des difficultés de l'écriture (vocalises), charme scénique : une Leïla parfaite. Marc Laho, en Nadir, est tout aussi crédible et passionné. La ligne mélodique est un peu instable parfois, mais le duo avec Zurga et la romance "Je crois entendre encore" revêtaient l'extase requise. La mise en scène d'Oïda fait la part belle à Zurga (il ouvre et ferme l'opéra, dans un gigantesque flash-back). Tout au long de la représentation, Lionel Lhote, dont on connaît et apprécie la faconde depuis longtemps, incarne son personnage à la perfection. Sa dramatique scène du troisième acte "L'orage s'est calmé" fut un des grands moments du spectacle : elle témoignait d'un art consommé du chant lyrique français, qui déchaîna l'enthousiasme du public très nombreux.. Il faut aussi souligner la belle performance de Roger Joakim dans le rôle sacrifié de Nourabad : sa basse fit merveille dans le tableau final avec choeurs ("Sombres divinités") – ceux-ci pas toujours parfaits, en dépit de leur vigueur et de leur conviction. La direction de Paolo Arrivabeni, peu associé à l'opéra français, possédait ce caractère enlevé qui ôtait toute langueur à la partition, et soutenait bien les chanteurs. A l'arrivée, un très beau spectacle donc, un peu différent de celui de la salle Favart (la distribution était entièrement autre), mais tout aussi fascinant. Bruno Peeters Liège, Opéra Royal de Wallonie, le 19 avril 2015

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